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Avez-vous formé quelque plan pour vos opérations futures, et quelle part dois-je prendre ?

Sir Gervais se promena dans la chambre, les mains croisées derrière le dos, avec un air de profonde réflexion, et fut au moins cinq minutes avant de répondre. Pendant tout ce temps, Bluewater resta les yeux fixés sur lui, attendant ce qu’il allait dire ; enfin le vice-amiral parut avoir pris son parti, et fit connaître sa détermination ainsi qu’il suit :

— J’ai réfléchi à tout cela, Dick, même quand mes pensées semblaient être occupées des affaires des autres. Si de Vervillin est sorti du port il doit encore être à l’est de notre position actuelle ; car de la manière dont les marées portent sur les côtes de France, il est presque impossible qu’il se soit beaucoup avancé vers l’ouest avec ce léger vent de sud-ouest. Nous sommes encore incertains sur sa destination, il est donc très-important pour nous de le découvrir et de le garder en vue jusqu’à ce que nous puissions l’obliger à une action. Or voici quel est mon plan : je ferai appareiller mes bâtiments l’un après l’autre, et avec ordre de gouverner avec un peu de largue dans les voiles, jusqu’à ce que chacun arrive à l’entrée de la Manche. Alors, il vireront de bord tour à tour, et porteront le cap vers la côte d’Angleterre. Chaque bâtiment appareillera dès qu’il ne verra plus que le haut des mâts de celui qui l’aura précédé, et il devra toujours se tenir à portée d’en voir les signaux, afin de pouvoir transmettre les nouvelles sur toute la ligne. Par un si beau temps, rien ne sera plus facile que de nous maintenir en vue les uns des autres, et par ce moyen nous pourrons embrasser un horizon très-étendu, — une centaine de milles tout au moins, — et surveiller toute la largeur de la Manche. Dès que nous aurons découvert M. de Vervillin, la flotte pourra se réunir, et alors nous agirons suivant les circonstances. Si nous ne voyons pas les Français avant d’apercevoir les côtes de France, nous pourrons être certains qu’ils auront remonté la Manche ; alors un signal de l’avant-garde renversera l’ordre de marche, et nous chasserons à l’est en formant le plus tôt possible une ligne de front serrée.

— Tout cela est certainement fort bien, et par le moyen des frégates et des plus petits croiseurs, nous pourrons facilement embrasser une vue de cent cinquante milles de mer ; cependant l’escadre sera bien éparse.

— Vous ne croyez sûrement pas qu’il y ait à craindre que les Français attaquent notre avant-garde avant que l’arrière-garde puisse arriver pour la soutenir ? demanda sir Gervais, qui avait toujours beaucoup d’égard pour les opinions de son ami. — Mon projet est de prendre