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— Je sais, Monsieur, que c’est l’opinion qu’on a eue ici depuis plus d’un demi-siècle, mais elle est fondée sur une erreur. Voici les faits : Mon aïeul, jeune homme impétueux, mais ayant un excellent cœur, était second lieutenant à bord d’un bâtiment de la marine royale. Étant à terre, pour cause de service, dans une des îles des Indes occidentales, il eut une querelle avec son premier lieutenant, et il le frappa. La peine de cette faute était la mort. L’officier insulté avait eu antérieurement une autre querelle avec mon aïeul qui, après avoir reçu son feu, avait refusé d’y répondre, en avouant qu’il avait tort. Le premier lieutenant n’ayant pas oublié cette circonstance, et désirant lui sauver la vie, lui conseilla de se cacher et de ne pas retourner à bord. Ce conseil fut suivi ; le bâtiment mit à la voile sans Grégoire Wychecombe, et périt corps et biens dans une tempête. Mon aïeul passa de là en Virginie, et il y resta un an, gardant le plus profond secret sur cette histoire, de crainte que, si elle venait à s’ébruiter, on ne le traduisît devant un conseil de guerre. L’amiral se chargea ensuite du soin de sa fortune ; il épousa une femme riche, et elle fut la seule confidente de son aventure. Il ne supposait pas qu’il pût jamais recueillir la succession de l’aîné de ses frères, et il n’avait aucun motif d’intérêt pour en parler à personne. Il écrivit pourtant une fois à sir Wycherly mais il ne lui envoya pas sa lettre, pensant qu’elle lui ferait plus de peine que de plaisir. Cette lettre est entre mes mains, et elle est de son écriture. J’ai aussi son brevet de lieutenant de vaisseau, et toutes les autres preuves d’identité qui peuvent être nécessaires. Elles sont si complètes, qu’aucune cour de la chrétienté ne pourrait refuser de les admettre, car jamais il n’avait voulu changer de nom. Il n’y a que deux ans qu’il est mort, et avant de mourir il me remit toutes les pièces nécessaires pour établir mes droits, si l’occasion de les faire valoir se présentait jamais. Il avait survécu à mon père ; mais aucun de nous ne jugeait nécessaire de les faire connaître, puisque nous pensions tous que les fils du baron Wychecombe étaient légitimes. Tout ce que je puis dire, c’est que je suis petit-fils et héritier de Grégoire Wychecombe, frère puîné de feu sir Wycherly Wychecombe. Ce fait me donne-t-il ici quelques droits ? c’est ce que vous, sir Reginald, vous pouvez dire mieux que moi.

— Il vous rend, comme appelé à recueillir la substitution, héritier de ce domaine, de cette maison, et d’une bonne partie des objets qui s’y trouvent, ainsi que du titre de baronnet. Vous n’avez qu’à faire la preuve légale de ce que vous venez d’avancer, pour annuler toutes les dispositions de ce testament, excepté celle qui a rapport aux biens meubles.