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vous faites les choses pires qu’elles ne sont. Certainement, quand même nous ne serions que frères de père, vous hériteriez de moi, si vous me surviviez.

— Oui, quant aux vingt mille livres que vous avez dans les fonds publics, mais non quant au domaine et au titre. Dans la situation actuelle, je suis votre héritier comme frère de père et de mère, et comme appelé, à recueillir la substitution.

— En supposant que nous eussions eu deux mères, qu’il n’y eut point eu de substitution, et que je fusse mort dans mon enfance, qui aurait hérité de notre père ?

— Moi, comme étant le seul fils qui lui aurait survécu.

— Là ! je le savais bien, vous avez voulu rire à mes dépens, s’écria te baronnet avec un air de triomphe.

— Pas si vite, frère Wycherly, pas si vite. J’aurais été le seul qui eût dans ses veines le sang de notre père et de tous les Wychecombe qui nous ont précédés ; mais en ce qui vous concerne, je n’aurais jamais pu être que votre demi-frère ; j’aurais pu être l’héritier légal de notre père, mais jamais le vôtre.

— En ce cas, Thomas, j’aurais fait un testament pour vous laisser jusqu’à mon dernier farthing.

— C’est précisément ce que je vous engage à faire à l’égard de sir Reginald de Wychecombe. Il faut que vous le preniez pour héritier, ou que vous choisissiez entre un filius nullius en la personne de mon fils Tom, et un homme tout-à-fait étranger à notre famille, ou que vous laissiez votre domaine tomber en déshérence, et votre titre s’éteindre ; car nous sommes placés d’une manière si particulière, que nous ne pouvons pas trouver plus d’héritiers dans la ligne maternelle que du côté de nos pères. Notre bonne mère était fille naturelle du comte de Prolific ; notre grand’mère était la dernière de sa race ; notre aïeule avait, dit-on, du sang royal dans les veines, sans que l’église s’en fût mêlée, et il serait aussi impossible qu’inutile de chercher à remonter plus haut. Oui, Wycherly, c’est sir Reginald qui a le meilleur droit moral à votre succession, quoiqu’il n’y ait aucun droit légal. Après lui viennent Tom ou un de ses frères, — un étranger — et Sa Majesté. Et faites attention qu’on ne voit guère de domaines produisant quatre mille livres sterling de revenu annuel tomber en déshérence de nos jours.

— Si vous voulez me préparer un testament, mon frère, je laisserai tout à Tom, s’écria le baronnet avec énergie. — Il ne faut pas dire un mot de filius nullius, et quand je serai mort il prendra tranquillement, ma place.