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donner ici des ordres, dans ce moment solennel et important. Il me semble, sir Gervais Oakes, que les circonstances sont assez particulières pour exiger de promptes mesures.

— Je suis entièrement d’accord avec vous, sir Reginald. Mais avant d’aller plus loin, je crois qu’il serait à propos d’avoir avec nous, autant qu’il est possible, tous ceux qui peuvent avoir intérêt au résultat de cette affaire. Or je ne vois pas parmi nous M. Thomas Wychecombe, neveu réputé du défunt.

Le fait était vrai, et le domestique de Tom, qui avait reçu de son maître l’ordre de se rendre à cette réunion avec les autres domestiques, pour épier ce qui se passerait, lui fut envoyé sur-le-champ avec une invitation de venir assister à l’assemblée. Deux ou trois minutes s’étaient à peine écoutées quand le domestique reparut.

— Messieurs, dit-il, sir Thomas Wychecombe vous présente ses compliments, et il désire savoir quel est le motif de votre demande. Il est dans sa chambre, livré à l’affliction bien naturelle que lui cause la perte qu’il vient de faire, et il préférerait en ce moment rester seul avec son chagrin, si cela vous est agréable.

C’était prendre un ton bien haut dès le commencement ; et comme le domestique, qui avait reçu ses instructions, débita son message d’une voix aussi ferme que distincte, il produisit une impression manifeste sur les domestiques de la maison. Sir Reginald rougit de colère, sir Gervais se mordit les lèvres de dépit, Bluewater jouait avec le pommeau de son épée, d’un air indifférent à tout ce qui se passait, tandis qu’Atwood et les chirurgiens levaient les épaules et souriaient. Le premier de ces individus savait fort bien que Tom n’avait pas le moindre droit au titre qu’il s’était tellement pressé de prendre ; et il espérait que le ton mélangé de faiblesse et d’impudence de son message, était une preuve qu’il sentait l’invalidité de ses droits. Déterminé à ne pas se laisser arrêter dans ses projets, il chargea le domestique d’un nouveau message pour son maître qui, en le recevant, changerait sans doute d’intention. — Informez votre maître, lui dit-il, que je suis en possession de faits qui, suivant moi, justifient la marche que je suis, et que si — M. Thomas Wychecombe — ne paraît pas pour veiller à ses intérêts, j’agirai en son absence comme je crois devoir le faire. — Ces mots, fidèlement rapportés, firent arriver Tom à l’instant même. Il était pâle de crainte, plutôt que de chagrin ; car les méchants ont toujours l’esprit agité d’inquiétudes, quand ils font le premier pas dans la carrière du mal. Il salua pourtant la compagnie d’un air qui annonçait qu’il voulait prendre les manières d’un homme poli et bien élevé.