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C’était la seconde fois que le vice-amiral cherchait indirectement à attirer l’attention du mourant sur le jeune lieutenant, et il réussit enfin. Le vieillard jeta les yeux sur lui, et le regarda quelques instants en silence, mais avec attention.

— Même nom — Virginien — bon jeune homme — colonies américaines — plein de bravoure — mille livres. — Sir Wycherly prononça ces mots entre les dents ; mais le profond silence qui régnait fit que personne n’en perdit une syllabe. — Oui, — mille livres à Wycherly — Wychecombe — marine royale.

La plume du secrétaire courait rapidement sur le papier, et elle allait tracer le nom du nouveau légataire, quand sa main fut arrêtée par la voix du jeune officier lui-même.

— Attendez, monsieur Atwood, n’insérez dans ce testament aucun legs à mon profit, s’écria le lieutenant, le visage enflammé, et sa poitrine se soulevant par suite d’une vive émotion. — Cela serait inutile, car je n’en accepterai pas un seul schelling.

— Jeune homme, dit le vice-amiral presque avec le ton de sévérité d’un officier supérieur qui fait une réprimande à un subalterne, vous parlez trop à la hâte. Il ne convient à aucun de ceux qui entendent et qui voient ce qui se passe ici, de rejeter dédaigneusement les bontés d’un homme qui est peut-être sur le point de quitter la terre pour paraître en présence de Dieu.

— J’ai le plus grand respect pour sir Wycherly, sir Gervais ; personne ne peut désirer plus vivement que moi qu’il recouvre la santé, et que le soir de ses jours se prolonge encore longtemps ; mais jamais je n’accepterai un bienfait d’aucun homme méprisant mon pays comme il est évident que le testateur le méprise.

— Vous êtes Anglais, je crois, lieutenant Wychecombe, et au service de George II ?

— Je ne suis pas Anglais, je suis Américain, — Virginien, — et ayant droit aux mêmes privilèges que tout sujet anglais. — Je ne suis pas plus Anglais que le docteur Magrath.

— C’est établir le cas sur une base solide, eh ! Atwood ? dit le vice-amiral souriant en dépit de lui-même. — Je suis loin de dire que vous soyez Anglais dans tous les sens, Monsieur ; mais vous l’êtes dans le sens qui vous donne le caractère national et les droits nationaux. Vous êtes sujet de l’Angleterre.

— Pardon, sir Gervais. Je suis sujet de George II, mais je ne suis pas sujet de l’Angleterre. Je suis peut-être, dans un certain sens, sujet de l’empire britannique ; mais je n’en suis pas moins Américain et Virginien, et je ne recevrai un schelling d’aucun homme qui