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— Hum ! Bowldero appartient à ma famille depuis cinq siècles, Bluewater, et j’espère qu’il s’en passera cinq autres avant qu’il en sorte, à moins que votre Prétendant ne réussisse et qu’il ne se l’approprie par forme de confiscation.

— J’avais encore un autre motif. Si je laissais mon argent à un homme riche, et que la chance voulût que je me trouvasse du mauvais côté dans cette lutte, le roi de facto prendrait tout, au lieu qu’un Allemand[1] même n’aurait pas le cœur assez dur pour priver une pauvre créature comme Mildred de ses moyens d’existence.

Les Écossais[2] sont connus pour leurs entrailles en pareille matière. Eh bien ! comme il vous plaira, Dick. Il m’importe peu ce que vous ferez de vos parts de prises. J’avais pourtant supposé qu’elles tomberaient entre les mains du jeune Geoffrey Cleveland, qui ne fait pas honte à votre famille.

— Il touchera, à l’âge de vingt-cinq ans, cent mille livres que lui a laissées la vieille lady Greenfield, sa grand’tante. C’est plus qu’il ne lui faut, et il ne saura qu’en faire. Mais laissons ce sujet. Avez-vous reçu cette nuit quelque nouvelle d’Écosse ?

— Pas la moindre. Nous sommes dans une partie retirée du pays, et la moitié de l’Écosse pourrait chavirer dans un de ses lacs sans que nous l’apprissions ici dans le Devonshire avant huit jours. Si je ne reçois ni ordres ni nouvelles d’ici trente-six heures, j’ai envie d’aller en poste à Londres, en vous laissant le commandement de l’escadre.

— Cela pourrait ne pas être sage. Vous oseriez à peine, dans un tel moment de crise, confier un poste si important à un homme professant, comme vous le savez, mes sentiments politiques. Je ne dis pas mes opinions ; puisque vous attribuez tout au sentiment.

— Je vous confierais ma vie et mon honneur, Bluewater, sans la moindre crainte pour leur sécurité, tant qu’elle dépendrait de votre conduite et de vos désirs. Mais il faut d’abord que nous sachions quelles nouvelles l’Actif nous apporte ; car si de Vervillin a réellement appareillé, je penserai, avant toute autre considération, que le premier devoir d’un marin anglais est de battre un marin français.

— S’il le peut, dit le contre-amiral d’un ton sec, en étendant sa jambe droite sur une chaise.

— Ce que je ne regarde pas comme une chose sûre, amiral Bluewater ; mais c’est un événement qui est arrivé assez souvent pour le

  1. Allusion à George II, Allemand de naissance.
  2. Allusion aux Stuarts, originaires d’Écosse.