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ner sur quoi elles étaient fondées. En un mot, il était un exemple de l’effet que l’intolérance religieuse a toujours produit, et produira probablement toujours sur un être aussi bizarre que l’homme.

À cette faiblesse près, sir Reginald Wychecombe avait un esprit actif et intelligent. Il laissait en grande partie aux prêtres le soin de ses affaires spirituelles, mais il surveillait lui-même avec attention et prudence ses intérêts temporels. Il était beaucoup plus riche que le chef de la branche directe de la famille ; mais, quoique la fortune n’eût pas entaché de bassesse son caractère, il n’aurait pas été fâché de posséder l’ancien domaine de sa famille. Il savait fort bien qu’il n’était son parent que dans une seule ligne, et que, d’après cette circonstance, la loi ne l’appelait pas à hériter de lui. Sir Reginald Wychecombe n’était pas homme à rester dans cette position sans prendre tous les moyens possibles pour établir exactement quelle était sa situation. En employant un procureur, adroit qui professait ses opinions politiques, il avait réussi à tirer de la bouche de Marthe elle-même qu’elle n’avait jamais été mariée au baron Wychecombe. Il en résultait donc que Tom et ses frères étaient bâtards, et qu’ils ne pouvaient être ses héritiers naturels plus qu’il ne l’était lui-même. Enfin, il savait aussi qu’il n’existait aucun héritier naturel du domaine de Wychecombe Hall, qui devait tomber en déshérence à moins que le propriétaire actuel ne fît un testament, et que sir Wycherly avait la plus grande répugnance à en faire un. Dans de telles circonstances, il n’est pas surprenant que lorsque sir Reginald se trouva inopinément appelé près de ce parent éloigné, qu’on lui disait être sur son lit de mort, il ait supposé que ses droits avaient enfin être reconnus, et qu’il allait être mis en possession du domaine des ancêtres dont il descendait légitimement. Dans cette croyance, il promit sans hésiter de se rendre près du baronnet mourant, se déterminant à oublier momentanément ses opinions politiques, pour songer un peu à ses intérêts personnels.

Le lecteur comprendra aisément que les individus rassemblés dans le petit salon de la maison de sir Wycherly ne connaissaient de tous ces détails que le seul fait de l’arrivée très-prochaine de sir Reginald, et que Tom seul était instruit de la circonstance qui rendait celui-ci inhabile à hériter. Leurs pensées étaient exclusivement occupées de la situation du malade, et ils n’eurent guère d’autre sujet de conversation. Comme les chirurgiens n’admettaient personne dans sa chambre, ils déjeunèrent silencieusement, en attendant l’instant où l’entrée leur en serait permise. Quand ce repas mélancolique fut terminé, sir Gervais pria Bluewater de le suivre dans sa chambre.