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d’une manière qui était un peu étrange, sinon remarquable. Il y a dans la jeunesse un charme que nulle autre époque de la vie ne possède. Les deux jeunes gens en question possédaient cet avantage à un haut degré, et quand il n’y aurait eu rien de plus, cette vue seule aurait été agréable à un homme ayant un caractère généreux et sensible comme Bluewater. Geoffrey avait seize ans, âge auquel un jeune homme, en Angleterre, n’a pas encore les apparences de la virilité, et il joignait la franchise et l’enjouement de l’adolescence à la malice et à l’espièglerie dont un bâtiment de guerre est toujours l’école. Cependant sa physionomie conservait une expression de sensibilité ingénue qui était frappante dans un jeune homme de son âge, et qui était le principal attrait de celle de Mildred, malgré la beauté de ses traits, de ses cheveux et de son teint. Cette expression qui avait tellement frappé et charmé la veille le contre-amiral, le poursuivait sans cesse parce qu’elle lui était familière, quelque extraordinaire qu’elle fût, et parce qu’il ne pouvait se rappeler en qui il l’avait déjà remarquée. En ce moment qu’elle était assise en face de lord Geoffrey, Bluewater, à sa grande surprise, retrouva le même caractère d’expression dans la physionomie du beau jeune homme que dans celle de l’aimable jeune fille. Il est vrai que cet air de sensibilité ingénue était moins marqué dans le jeune Cleveland que dans Mildred, et leurs traits offraient en général peu de ressemblance. Néanmoins cette expression se retrouvait en tous deux, et si distinctement, qu’elle était facilement reconnue lorsqu’ils étaient si près l’un de l’autre. Geoffrey Cleveland passait pour ressembler à sa mère, et à l’aide de ce fil, l’imagination de Bluewater lui rappela tout à coup que l’être auquel Mildred ressemblait d’une manière si frappante, était une de ses propres cousines, sœur de la duchesse de Cleveland. Miss Hedworth, la jeune dame en question, était morte depuis longtemps, mais tous ceux qui l’avaient connue avaient conservé l’impression la plus agréable des charmes de sa personne et de ceux de son esprit. Il avait existé entre elle et Bluewater une tendre amitié, mais dans laquelle il n’était jamais entré un atome d’amour. Cette circonstance était due en partie à la différence de leur âge, le capitaine Bluewater ayant alors le double de l’âge de sa jeune parente ; et aussi au dévouement irrésistible qu’il avait juré à sa profession et au bâtiment qu’il commandait. Agnès Hedworth avait pourtant été infiniment chère à notre marin, pour une multitude de causes, plus chère même que sa sœur la duchesse, quoique celle-ci fût la favorite du grand monde ; et le contre-amiral, tandis que son esprit suivait rapidement la chaîne d’idées qui lui faisait trouver de la ressem-