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ponts ; et quant à nos ronfleurs, jamais ils ne se montrent à une pareille heure.

— Il doit sûrement y avoir du monde à présent dans la grande chambre. Allez prier le chapelain et le capitaine des soldats du détachement de marine de me faire le plaisir de venir dans ma chambre, — ou le premier lieutenant, ou le master, ou quelques fainéants.

Le midshipman n’avait été absent que deux ou trois minutes quand il revint avec le chapelain et le commis d’administration.

— Le premier lieutenant est occupé dans la cale d’avant, amiral, dit-il ; tous les soldats de marine ont encore les volets de leurs yeux fermés, et le master est à travailler à sa table de loch. J’espère que ces deux messieurs vous conviendront ; je crois que ce sont les plus grands fainéants qui soient à bord.

Lord Geoffrey Cleveland était le second fils du troisième duc de l’empire britannique, et il le savait aussi bien qu’aucun de ceux qui servaient avec lui sur le même bord. L’amiral Bluewater n’avait pas un respect servile pour le rang ; cependant, comme tous les hommes élevés sous un système aristocratique, il sentait l’influence du rang à un point dont il ne connaissait pas lui-même l’étendue. Ce jeune rejeton de la noblesse anglaise n’était exempt de remplir aucune partie de ses devoirs, car sa fierté en aurait été blessée ; mais il dînait dans la chambre de l’amiral deux fois plus souvent qu’un autre midshipman, et il avait obtenu pour sa langue une sorte de licence qui l’enhardissait à dire des choses qui passaient pour des traits d’esprit dans la grande chambre et au poste des midshipmen, et qui auraient été des impertinences partout ailleurs. Ni le chapelain, ni le commis d’administration, ne s’offensèrent de la liberté qu’il avait prise en parlant d’eux, et quant au contre-amiral, il n’y avait pas même fait attention. Dès qu’il vit dans sa chambre les deux individus qui viennent d’être désignés, il leur fit signe de s’approcher, et leur montrant le papier qui était plié sur son pupitre, il leur dit :

— Tout homme prudent, et particulièrement tout marin et soldat, en temps de guerre, doit avoir soin de faire son testament. Voici le mien, que je viens d’écrire moi-même, et en voici un plus ancien, que je déchire en votre présence. Je déclare que ceci est ma signature, ajouta-t-il, un doigt appuyé sur le sceau. Voulez-vous bien avoir la bonté de signer comme témoins, ce testament et acte de dernière volonté ?

Quand le chapelain et le commis d’administration eurent signé, il fallait une troisième signature, et le midshipman, à un signe de l’amiral, y apposa la sienne.