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que de vouloir faire renaître en vous des souvenirs si pénibles. Si je croyais que vous m’excusiez, je risquerais de vous révéler ce secret ; car, quoiqu’il me soit impossible d’en dire la cause, jamais je n’ai éprouvé un intérêt si soudain, si extraordinaire, pour une personne qui m’est presque étrangère.

— Non, non, pas étrangère, mon cher monsieur. Après tout ce qui s’est passé aujourd’hui après que vous avez été admis, quoique par accident, à la connaissance d’un fatal secret ; après tout ce qui a été dit dans la voiture ; après les scènes cruelles que ma mère a essuyées en votre présence, il y a tant d’années, vous ne pouvez jamais être un étranger pour nous, quelque désir que vous puissiez avoir de nous regarder comme étrangères.

— Jeune fille, je ne vous dirai pas que vous m’enchantez, que vous me fascinez ; mais le fait est que vous subjuguez mes sentiments, et que vous m’attachez à vous d’une manière que je ne croyais possible à personne.

Il parlait avec tant d’énergie, que Mildred retira sa main du bras sous lequel elle était passée, et fit un pas en arrière, non avec alarme, mais par surprise. Mais, regardant son compagnon en face, et voyant une grosse larme lui tomber sur la joue, remarquant ses cheveux, que les soucis et les travaux de sa profession avaient blanchis plus que les années, elle recouvra toute sa confiance, et reprit d’elle-même la place qu’elle avait abandonnée, avec le naturel et la simplicité d’une fille qui reprendrait sa place auprès de son père.

— Certainement, Monsieur, dit-elle avec chaleur, cet intérêt doit m’inspirer autant de reconnaissance qu’il me fait d’honneur. Mais à présent, amiral Bluewater, n’hésitez plus à me parler avec la franchise d’un père ; je vous écouterai avec le respect et la déférence d’une fille.

— Eh bien, écoutez ce que j’ai à vous dire, et ne répondez rien, pour peu que vous vous sentiez blessée. Il semblerait qu’il n’y a qu’un seul sujet dont un homme, jeune ou vieux, puisse parler à une jeune fille belle et aimable, quand il se trouve en tête-à-tête avec elle, par un beau clair de lune ; et ce sujet, c’est l’amour. Ne tressaillez pas, ma chère enfant ; car si je vais vous parler d’amour, sujet sur lequel je suis un peu gauche, ce ne sera ni pour moi, ni même pour aucun autre ; car je désire uniquement vous donner l’avis de ne laisser surprendre votre cœur par personne.

— Mon cœur ! croyez-vous donc cet avis bien nécessaire, amiral ?

— C’est ce que vous savez mieux que moi ; mon enfant. Une chose dont je suis certain, c’est que le jeune homme dont je veux parler