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pouvons dire prudemment quelques mots sur les affaires de ce monde. Vous savez que je n’ai pas d’enfants, — c’est-à-dire…

— C’est-à-dire que vous êtes garçon, Wycherly ; je vous comprends.

— C’est cela, Thomas ; et les garçons ne doivent pas avoir d’enfants. Si notre pauvre frère Jacques ne s’était pas cassé le cou, il serait en ce moment près de votre lit, et il nous expliquerait tout cela. — J’avais coutume de l’appeler saint Jacques, et il méritait bien ce nom.

— En ce cas ce devait être saint Jacques le Mineur.

— C’est une chose cruelle de n’avoir pas d’héritier, Thomas. Avez-vous jamais, dans le cours de votre pratique, trouvé un cas dans lequel un autre domaine se soit trouvé si complétement sans héritier que le nôtre ?

— Cela n’arrive pas souvent, Wycherly ; il y a ordinairement plus d’héritiers que de domaines.

— C’est ce que je pensais. — Mais le roi héritera-t-il du titre comme du domaine, si c’est un cas de déshérence, comme vous l’appelez ?

— Le roi, étant la source de tous les honneurs, se souciera fort peu de ce que deviendra un titre de baronnet.

— Je m’en inquiéterais moins s’il devait passer à son fils, qui est Anglais de naissance. Le domaine de Wychecombe a toujours appartenu à un Anglais.

— C’est la vérité, et j’espère qu’il en sera toujours de même. Vous n’avez qu’à choisir un héritier après ma mort, et en faisant, un testament en bonnes formes, vos propriétés ne tomberont pas en déshérence. Ayez soin d’employer le terme « à perpétuité. »

— J’étais si content quand vous étiez bien portant, mon frère ; vous étiez mon héritier naturel, et…

— Héritier appelé par la substitution, Wycherly.

— Soit, soit ! Dans tous les cas, vous étiez mon héritier, et c’était une prodigieuse consolation pour un homme comme moi, qui se fait une sorte de scrupule religieux de faire un testament. Il court un bruit sourd que vous avez épousé Marthe, Thomas. En ce cas le domaine appartiendrait légalement à Tom après nous, et il ne faudrait ni testament ni aucune autre formalité.

— Tom est filius nullius, répondit le juge, trop consciencieux pour appuyer un mensonge.

— Cependant, mon frère, Tom lui-même paraît favoriser cette opinion.

— Cela n’est pas étonnant, car cette opinion est fort en sa faveur.