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— Que peut vouloir dire notre pauvre ami ? demanda l’amiral, qui prenait réellement le plus vif intérêt à la situation de sir Wycherly. On voudrait le servir autant qu’on le peut ; mais tout ce jargon de nullus, d’une ligne et de deux lignes, est de l’hébreu pour moi. Y comprenez-vous quelque chose, Atwood ?

— Sur ma foi, sir Gervais, un juge déciderait mieux cette question que des marins comme nous.

— Tout cela ne peut avoir aucun rapport à l’insurrection des jacobites. C’est pourtant une affaire qui est de nature à pouvoir troubler les derniers moments d’un sujet loyal, monsieur Rotherham.

— L’âge et les habitudes de sir Wycherly, amiral, repoussent l’idée qu’il puisse être mieux instruit de ce qui se passe à cet égard que nous ne le sommes nous-mêmes. Je suis plutôt porté à croire que vous avez donné à un mot qu’il vient de prononcer un sens qui n’est pas celui qu’il y attachait. Le mot will signifie testament, mais il veut dire aussi volonté. Or, il a été publié depuis quelque temps divers ouvrages sur la volonté de l’homme ou le libre arbitre, et je regrette d’avoir à dire que mon honorable patron n’a pas toujours été sur ce point aussi orthodoxe que je l’aurais désiré ; je suis donc porté à croire qu’en disant tournez la volonté à rebours, il a voulu exprimer son repentir.

Sir Gervais jeta les yeux autour de lui comme c’était sa coutume quand une idée plaisante ou burlesque se présentait à son imagination ; mais il résista à une forte envie de rire, et répondit d’un ton grave :

— Je vous comprends, Monsieur. Vous pensez que tous ces termes inexplicables se rattachent aux sentiments religieux de sir Wycherly. Vous pouvez avoir raison, car mes connaissances ne vont pas jusqu’à pouvoir les attribuer à quelque cause que ce soit. — Je regrette qu’il n’ait pas reconnu pour parent notre jeune lieutenant. Est-on bien certain qu’il soit né en Virginie ?

— Il le dit lui-même, sir Gervais. Il était inconnu ici quand il y a été mis à terre par suite d’une blessure dangereuse qu’il avait reçue. Je crois qu’aucune des allusions de sir Wycherly n’a le moindre rapport à lui.

Sir Gervais Oakes mit ses mains derrière son dos, et fit quelques tours dans la chambre, comme s’il eût été sur son gaillard d’arrière. À chaque tour, ses yeux se dirigeaient vers le lit, et il voyait toujours ceux du malade suivre tous ses mouvements. Cette circonstance acheva de le convaincre que la religion n’avait rien de commun avec le désir que son hôte avait évidemment de se faire comprendre ; et