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— Quel est ce sir Reginald, monsieur Rotherham ? Quelque ancien baronnet de la famille, je suppose ?

— Point du tout, Monsieur. Sir Reginald Wychecombe, de Wychecombe-Régis, comté de Hertz, est un baronnet dont un des ancêtres a reçu ce titre de la reine Anne, et l’on m’a dit qu’il descend d’une branche cadette de cette famille.

— Je commence à comprendre ; c’est ce qui s’appelle arriver sur les sondes. Je m’étais mis dans la tête que ce sir Reginald était quelque vieux baronnet vivant du temps des Plantagenets. — Eh bien ! sir Wycherly, désirez-vous qu’on envoie un exprès dans le comté de Hertz pour mander ici sir Reginald ? Peut-être voulez-vous le nommer votre exécuteur testamentaire. — Ne vous donnez pas la peine de parler, un signe suffira.

Sir Wycherly parut frappé de cette suggestion, qui pourtant n’était pas son intention véritable. Il sourit, et fit un signe de tête en signe d’assentiment.

Avec toute la promptitude d’un homme d’affaires, sir Gervais s’avança vers la table sur laquelle le ministre avait écrit aux officiers de santé de la famille, et dicta une courte lettre à son secrétaire ; il la signa sur-le-champ, et Atwood quitta la chambre, pour la faire partir par un exprès. L’amiral se frotta ensuite les mains, avec l’air d’un homme qui sent qu’il s’est tiré avec adresse d’une difficulté embarrassante.

— Je ne vois pourtant pas, après tout, monsieur Rotherham, dit le vice-amiral au ministre, qu’il avait tiré dans un coin de la chambre, ce que le bon baronnet voulait dire avec son latin d’écolier, nullus, nullius. Pourriez-vous me l’expliquer ?

— Non, sir Gervais ; à moins qu’il n’ait voulu dire que sir Reginald, étant descendu d’un fils cadet, n’était personne, qu’il n’avait pas de femme, car je crois qu’il n’est pas encore marié, et qu’il n’avait rien, c’est-à-dire qu’il n’était pas riche.

— Et sir Wycherly est-il un érudit assez déterminé pour s’exprimer de cette manière hiéroglyphique, à l’instant où il est étendu sur ce que je crains devoir être son lit de mort ?

— Sir Wycherly a reçu l’éducation qu’on donne à tous les jeunes gens de sa condition, mais il a tout à fait oublié ses classiques dans le cours d’une longue vie passée dans l’opulence. N’est-il pourtant pas possible que ses anciens souvenirs se soient réveillés tout à coup, par suite de l’ébranlement qu’a reçu son cerveau ? Je crois avoir lu des exemples curieux prouvant que la mémoire peut revenir sur le lit de mort ou après une attaque de maladie.