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père d’un riche baronnet ; tandis que, de son côté, Tom cherchait à gagner le master, afin de pouvoir au besoin se servir de lui, comme d’un témoin pour établir ses droits. Cependant nous devons laisser l’imagination du lecteur le soin de se figurer de quelle manière il s’y prit pour arriver à son but, car nous avons en ce moment à nous occuper d’objets plus importants.

Depuis l’instant où sir Wycherly avait été mis au lit, M. Rotherham était resté constamment assis à côté du malade, surveillant avec soin la marche de l’attaque, et toujours prêt à expliquer tous les désirs que celui-ci manifestait d’une voix faible et indistincte. Nous disons indistincte, parce que les organes de la parole du baronnet étaient affectés de cette légère sorte de paralysie qu’on appelle vulgairement avoir la langue épaisse. Quoiqu’en état de vider ses trois bouteilles, M. Rotherham n’était pas dépourvu de sentiments religieux, et quand l’occasion l’exigeait il pouvait remplir ses fonctions ecclésiastiques avec autant d’onction que les habitudes du pays et l’opinion du temps en attendaient d’un ministre. Dès qu’il s’était aperçu que le baronnet recouvrait sa connaissance, il lui avait offert de lui lire les prières pour les malades ; mais sir Wycherly avait répondu à cette offre obligeante par un signe de refus ; car l’approche de la mort fait souvent voir les convenances sous un jour plus vrai, et sa conscience lui disait que ceux qui étaient alors assemblés dans sa chambre n’étaient pas dans le meilleur état possible pour entendre ce saint office. La connaissance revint enfin au baronnet d’une manière plus sensible ; il jeta un coup d’œil autour de lui, regarda chacun fixement, et dit avec difficulté :

— Je vous — reconnais tous — à présent — je crois. — Fâché de — vous avoir donné tant d’embarras ; — j’ai — peu de temps — à épargner.

— J’espère le contraire, sir Wycherly, répondit M. Rotherham d’un ton consolateur. Vous avez eu une attaque un peu vive, mais vous avez une bonne constitution pour y résister.

— Mon temps — est court, — je le sens ici, répliqua le malade, passant une main sur son front.

— Souvenez-vous de cela, Dutton, dit Tom Wychecombe à demi-voix. Mon pauvre oncle lui-même déclare qu’il n’a pas l’usage de ses facultés. Ce serait une cruauté de souffrir qu’il s’occupât d’affaires.

— Cela ne pourrait se faire légalement, monsieur Thomas. Je crois que l’amiral Oakes interviendrait pour l’en empêcher.

— Rotherham, continua le malade, je veux arranger — mes affaires — avec le monde, — pour donner ensuite — mes pensées à Dieu.