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morceau de papier tout souillé, paraissant être un certificat de mariage entre Thomas Wychecombe, avocat, et Marthe Dood, etc. Cette pièce était dûment signée par le recteur d’une église paroissiale de Westminster, et portait une date assez ancienne pour établir la légitimité de celui qui en était en possession. Cette précaution extraordinaire produisit l’effet tout naturel d’augmenter la méfiance du vice-amiral, et commença à donner un corps à des soupçons qui n’étaient encore qu’une ombre.

— Vous marchez bien armé, Monsieur, dit-il d’un ton sec. Quand vous aurez recueilli la succession de votre oncle, avez-vous intention de porter dans votre poche les lettres patentes qui ont créé baronnet un de vos ancêtres, et les titres de propriété de ce domaine ?

— Je vois, sir Gervais, que vous trouvez singulier que j’aie sur moi cette pièce ; mais je vais vous en expliquer la raison. Il existait une grande différence de rang entre mon père et ma mère, et quelques personnes mal intentionnées ont osé donner à entendre qu’ils n’avaient jamais été mariés.

— Ce qui vous oblige de couper une demi-douzaine d’oreilles ?

— Ce n’est pas ainsi que la loi s’exécute, sir Gervais. Mon digne père avait coutume de m’inculquer le principe de tout faire conformément à la loi, et je tâche de suivre ses préceptes. Il avoua son mariage sur son lit de mort, et me dit entre les mains de qui je trouverais ce certificat. Je ne l’ai obtenu que ce matin, ce qui explique comment il se trouve dans ma poche en ce moment fatal d’une crise inattendue.

Dans ce que Tom venait de dire, il n’y avait que la dernière phrase qui fut vraie. Le fait était qu’après avoir fait toutes les recherches nécessaires, il s’était procuré deux ou trois pièces portant la signature du ministre d’une paroisse de Westminster, mort depuis plusieurs années, et qu’il avait ce jour-là même forgé ce certificat qu’il montrait, et contrefait la signature du ministre sur un vieux morceau de papier portant la marque constatant qu’il avait été fabriqué en 1720. Cependant ses discours contribuèrent à lui ôter la confiance de sir Gervais, qui était tellement habitué à la droiture et à la vérité, qu’il ne pouvait entendre sans dégoût rien qui ressemblât au jargon de l’hypocrisie. Néanmoins, il avait ses motifs pour continuer cette conversation, la présence d’aucun d’eux près du lit du malade n’étant nécessaire en ce moment.

— Et ce M. Wycherly Wychecombe, reprit-il, ce jeune homme qui s’est si distingué tout récemment, et qui porte les deux noms de votre oncle, est-il vrai qu’il ne soit pas votre parent ?