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maison et le parc n’étaient pas sans prétention à une magnificence rurale. Il y a un siècle, quoi qu’en puissent dire le tableau des préséances et Blackstone, un baronnet anglais, et surtout un baronnet remontant à 1611, était un plus grand personnage qu’aujourd’hui ; et un domaine produisant quatre mille livres de revenu annuel, surtout s’il n’était pas morcelé, était trois fois plus étendu et donnait trois fois plus d’importance locale qu’un domaine qui rapporterait trois fois autant de nos jours. Quoi qu’il en soit, sir Wycherly jouissait d’un avantage encore plus important, et qui était plus commun en 1745 que dans le moment actuel : c’était qu’il n’avait pas un seul rival à quinze milles à la ronde ; et le potentat le plus voisin était un lord que son rang et sa fortune mettaient au-dessus de toute compétition, un courtisan, un favori du trône, laissant le baronnet en possession paisible de tous les hommages locaux. Sir Wycherly avait été membre du parlement, et ne l’avait été qu’une fois. Dans sa jeunesse il avait été chasseur de renards, et une petite propriété située dans le comté d’York, et qui appartenait depuis longtemps à sa famille, était une sorte de pied-à-terre où il jouissait de ce plaisir. Mais, s’étant cassé une jambe en sautant à cheval par-dessus une haie, il avait cherché un refuge contre l’ennui dans la chambre des communes, où il représentait le petit bourg voisin de son pavillon de chasse. Il se contenta d’une seule session ; car le bon baronnet prenant l’affaire si à cœur qu’il se faisait un devoir d’être présent à toutes les séances sans qu’il en résultât pour lui aucun profit, c’était une sorte de taxe sur son temps, qui devait bientôt lasser la patience d’un ancien chasseur de renards. Après avoir donné sa démission, il se retira entièrement à Wychecombe, qu’il n’avait plus quitté depuis cinquante ans ; vantant à tout propos l’Angleterre, et surtout le comté dans lequel son domaine était situé ; vomissant des injures contre la France ; n’épargnant guère plus l’Espagne et la Hollande, et passant son temps à boire et à manger. Il n’avait jamais voyagé car, quoique bien des baronnets anglais fissent des voyages sur le continent, il y a un siècle, le plus grand nombre restaient chez eux. C’étaient principalement les lords et les courtisans qui prenaient ce moyen de se former l’esprit et de donner un vernis plus brillant à leurs manières ; classe dont un baronnet ne faisait pas nécessairement partie. Pour en finir, sir Wycherly avait alors quatre-vingt-quatre ans, jouissait encore d’une excellente santé, et était garçon. Il était l’aîné de cinq frères, et les quatre puînés avaient, suivant l’usage, cherché un refuge dans le barreau, dans l’église, dans l’armée et dans la marine, précisément dans l’ordre que nous venons d’indiquer. L’homme de loi s’était élevé