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avait servi cinquante ans son pays natal, il n’aurait eu d’autre récompense qu’un rang qui l’aurait mis simplement de niveau avec un colonel de l’armée de terre[1]. Combien de temps dureront encore cette politique à courte vue et cette injustice criante, c’est ce que personne ne peut dire ; mais on peut croire qu’elles dureront jusqu’à ce que quelque législateur ayant de l’influence apprenne la vérité bien simple, que la répugnance supposée du peuple à faire ce qui est juste, existe plus souvent dans les appréhensions de ses représentants que dans la réalité. — Mais venons à notre histoire.

Les brouillards d’Angleterre jouissent d’une réputation très-étendue mais on ne peut guère savoir ce qu’un brouillard peut ajouter aux beautés de la nature sans avoir vu l’effet magique qu’il produit sur un beau paysage, en y opérant les changements variés et capricieux que l’œil remarque sur les traits d’une coquette. Notre scène s’ouvre pendant un de ces brouillards si décriés ; mais qu’on fasse attention que c’était un brouillard de juin, et non de novembre. Sur un promontoire élevé de la côte du Devonshire, était une petite maison qui avait été construite pour servir à un poste de signaux de côte, afin de pouvoir communiquer avec les bâtiments qui pouvaient fréquenter la rade située dans ce voisinage. Un peu plus avant dans les terres était un village ou hameau que nous appellerons Wychecombe, et à peu de distance de ce hameau on voyait, entourée d’un petit parc, une maison construite dans le siècle de Henri VII, dans laquelle demeurait sir Wycherly-Wychecombe, dont un des ancêtres avait été créé baronnet par Jacques Ier. Il possédait un domaine susceptible d’amélioration, qui lui rapportait un revenu annuel de trois à quatre mille livres sterling, et qui lui avait été transmis par une longue ligne d’ancêtres remontant jusqu’au temps des Plantagenets. Cependant, ni Wychecombe, ni le promontoire, ni la rade, n’offraient rien de très-remarquable, car on voyait dispersés sur cette belle partie des côtes de l’Angleterre des villes, des villages et des hameaux beaucoup plus grands et plus favorisés par la nature ; des baies et des rades beaucoup meilleures pour les bâtiments qui arrivaient ou qui partaient, et il se trouvait tout le long de cette côte des stations pour les signaux beaucoup plus importantes. Néanmoins les bâtiments entraient dans cette rade quand un calme ou un vent contraire le rendait nécessaire ; le hameau avait ses avantages, et même ses beautés, comme la plupart de ceux de l’Angleterre, et la

  1. Le grade le plus élevé dans la marine américaine était celui de commodore, qui répond en France à celui d’un capitaine de vaisseau commandant une division. La marque distinctive du grade de commodore est un guidon en tête du grand mât.