Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/108

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

En la présente occasion, personne à Wychecombe-Hall n’ignorait la cause de l’orgie qui avait lieu dans la salle à manger. Tous ceux qui l’habitaient étaient des dévoués partisans de la maison régnante, et dès qu’ils virent qu’on manifestait sa loyauté en buvant, les toasts — succès au roi George ! — et — confusion au Prétendant ! — se firent entendre dans la cuisine comme dans la salle à manger, avec un zèle qui aurait pu placer un usurpateur sur le trône, s’il n’avait fallu que des libations pour y réussir.

Quand donc l’amiral Bluewater sortit de la chambre de son ami, le bruit et tous les signes d’une orgie générale et régulière étaient si évidents, qu’il éprouva quelque curiosité d’en voir le résultat et comme l’heure à laquelle il avait dessein de retourner à son vaisseau n’était pas encore arrivée, il descendit pour s’assurer positivement de la situation des choses. En traversant le vestibule pour entrer d’abord dans le salon, il y rencontra Galleygo.

— Je crois que le capitaine d’armes n’a pas fait son devoir ce soir, maître Galleygo, dit le contre-amiral, et qu’il a publié d’éteindre les lumières sur le premier pont. J’entends parler, rire et chanter d’une manière un peu bruyante pour une maison de campagne respectable.

Galleygo toucha d’une main une mèche de cheveux à côté de son front, releva de l’autre son pantalon, et lui répondit d’une voix qui prouvait qu’il avait la langue plus épaisse que de coutume, grâce à quelques verres d’ale qu’il avait ajoutés à ceux qu’il avait déjà bus avant son apparition dans le cabinet de toilette de sir Gervais, laquelle addition avait produit sur son système à peu près le même effet qu’une nouvelle goutte sur un vase qui est déjà plein.

— C’est cela même, amiral Bleu, — dit-il d’un ton de bonne humeur, quoiqu’il ne fût pas assez gris pour oublier de se conformer aux convenances à sa manière. — C’est cela même ; la consigne est de laisser brûler les lumières jusqu’à nouvel ordre, et l’on a appelé tout le monde en bas pour une petite réjouissance. C’est un plaisir de voir l’ale qui est arrimée dans la cale de cette maison, Votre Honneur. Tout l’équipage met la main à l’œuvre, et le bâtiment portera bientôt autant de voiles qu’il en est capable. On ne fait que remplir et vider les pots.

— Tout cela peut être fort bien pour les gens de la maison, si sir Wycherly le trouve bon, Galleygo ; mais il ne convient pas que les domestiques de ses hôtes prennent part à ce désordre. Si j’apprends que Tom s’en soit mêlé, il en entendra parler. Et comme votre maître n’est pas ici pour vous admonester, je prendrai la liberté de le faire