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— Que veut dire ceci ? un habit bleu au milieu de tous ces messieurs en écarlate ! Et employant une seconde fois son télescope :

— Aussi vrai que j’espère revoir la Virginie, c’est mon ami à mascarade, le beau capitaine Wharton du 60e régiment d’infanterie, qui a échappé aux deux meilleurs dragons de ma compagnie !

Il finissait à peine de parler quand celui de ces deux héros qui avait survécu à l’autre arriva, ramenant avec lui son cheval et ses deux Vachers. Il apprit à son capitaine la mort de son camarade et l’évasion du prisonnier. Comme le défunt était celui qui avait été spécialement chargé de veiller sur la personne du prisonnier, et que l’autre n’était pas à blâmer d’avoir défendu les chevaux qui étaient plus particulièrement sous sa garde, Lawton l’écouta avec dépit, mais sans colère.

Cette nouvelle opéra un changement complet dans les idées du major Dunwoodie : il vit sur-le-champ que l’évasion du prisonnier compromettait sa propre réputation. Il contremanda l’ordre qu’il venait de donner de rappeler les guides, et il chercha aussi ardemment que l’impétueux Lawton quelque moyen d’attaquer l’ennemi avec avantage.

Deux heures auparavant Dunwoodie avait regardé comme le plus grand malheur qui lui fût jamais arrivé le hasard qui avait rendu Henry Wharton son prisonnier. Maintenant il brûlait de trouver une occasion de remettre son ami dans les fers au risque de sa propre vie. Toute autre considération disparaissait de son esprit blessé, et il aurait bientôt imité la témérité de Lawton si Wellmere en ce moment n’eût traversé la rivière à la tête de ses troupes pour entrer dans la plaine.

— Le voilà ! s’écria le capitaine enchanté, en montrant du doigt le mouvement qui s’opérait ; voilà John Bull qui entre dans la souricière les yeux ouverts.

— Il est impossible, dit Dunwoodie, qu’il ait dessein de déployer sa colonne sur cette plaine. Wharton doit lui avoir fait connaître l’embuscade.

— Mais s’il y vient, ajouta Lawton en sautant sur son cheval, nous ne lui laisserons pas douze peaux entières dans tout son bataillon.

On ne resta pas longtemps dans le doute ; car les troupes anglaises, après s’être avancées à quelques pas dans la plaine, com-