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pas mis en jugement. Vous devez être bien sûre que je n’épargnerai ni démarches ni prières pour le sauver, et je puis dire, Frances, que je ne suis pas sans crédit auprès de Washington.

— Mais ce malheureux laissez-passer ! cet abus de confiance dont vous avez parlé, rendront son cœur insensible aux souffrances de mon frère. Si les menaces ou les prières avaient pu ébranler sa justice inflexible, André aurait-il péri ? Frances prononça ce peu de mots avec le ton du désespoir, et en les terminant elle sortit précipitamment de la chambre pour cacher la violence de son émotion.

Dunwoodie resta un moment plongé dans un état de stupeur, également accablé du chagrin de sa maîtresse et de celui qu’il éprouvait lui-même. Enfin il la suivit, dans le dessein de calmer ses craintes ; mais en entrant dans le vestibule qui séparait les deux appartements, il y trouva un enfant couvert de guenilles, qui ayant regardé un instant l’uniforme du major lui mit dans la main un morceau de papier, et disparut comme un éclair par l’autre porte du vestibule. La promptitude de sa retraite et le trouble du major donnèrent à peine à celui-ci le temps de remarquer que ce messager était un enfant de village, mal vêtu, et qu’il tenait à la main un de ces jouets convenables à son âge qu’on vend dans les villes, et qu’il contemplait probablement avec le plaisir de ne l’avoir payé que par le message dont il venait de s’acquitter. Il jeta les yeux sur ce billet qui n’était qu’un chiffon de papier sale, et dont l’écriture était à peine lisible, et ce ne fut pas sans peine qu’il parvint à y déchiffrer ce qui suit :

« Les troupes régulières sont à deux pas, cavalerie et infanterie. »

Dunwoodie tressaillit, et ne songeant plus qu’aux devoirs de sa profession, il sortit de la maison avec précipitation. Tandis qu’il s’avançait à grands pas vers sa troupe, il vit sur une hauteur située à quelque distance une vedette qui en descendait à toute bride ; plusieurs coups de pistolet se succédèrent rapidement ; le moment d’après il entendit les trompettes de son corps sonner le boute-selle. En arrivant sur le terrain occupé par son escadron, il vit que tout y était en mouvement. Lawton était déjà à cheval, les yeux fixés sur l’extrémité opposée de la vallée, avec toute l’ardeur de l’attente et criant aux musiciens d’une voix presque aussi forte que tous leurs instruments réunis :

— Sonnez, mes amis, sonnez ! Apprenez à ces Anglais que