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— Doucement, doucement, dit Mason ; touchez-moi avec précaution. Non, il y a un pauvre diable qui en est encore plus près que moi, et je ne sais qui ce peut être. Je l’ai vu sortir du milieu de notre fumée, près de mon peloton, pour faire un prisonnier, ou je ne sais pourquoi ; mais il n’en est pas revenu… Tenez, le voilà étendu sur ce tertre. Je lui ai parlé plusieurs fois, mais je crois qu’il ne peut plus répondre.

Dunwoodie s’approcha de l’endroit indiqué, et à sa grande surprise il reconnut l’étranger qu’il avait vu cette même soirée.

— C’est le vieillard qui a connu ma mère s’écria-t-il. Il n’existe plus ; mais pour l’amour d’elle il aura une sépulture honorable. Qu’on le relève et qu’on l’emporte. Ses restes reposeront sur son sol natal.

On obéit à ses ordres. Le vieillard était étendu sur le dos, le visage exposé à la clarté de la torche. Ses yeux étaient fermés comme s’il eût sommeillé. Ses lèvres flétries par les années semblaient entrouvertes par un dernier sourire. À côté de lui était un mousquet. Ses deux mains étaient pressées sur sa poitrine, et l’une d’elles tenait quelque chose qui brillait comme de l’argent. Dunwoodie se courba sur lui, lui écarta les mains, et vit le passage par où la balle avait pénétré dans son cœur. L’objet de sa dernière sollicitude était une petite boîte d’étain à travers laquelle la balle fatale avait passé, et les derniers moments du mourant devaient avoir été employés à la tirer de son sein. Dunwoodie l’ouvrit, y trouva un papier, et y fut à son grand étonnement ce qui suit :


« Des raisons politiques de haute importance, et qui intéressaient la fortune et la vie de plusieurs personnes, ont obligé de garder secret jusqu’à présent ce qui va être maintenant révélé. Harvey Birch a toujours été un serviteur fidèle et désintéressé de sa patrie. Puisse Dieu lui accorder la récompense qu’il n’a pas reçue des hommes !

« George Washington. »


C’était l’espion du Territoire-Neutre… il mourut comme il avait vécu, dévoué à sa patrie et martyr de la liberté.


fin de l’espion.