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Au bout de quelques minutes, la porte se rouvrit ; un homme entra dans l’appartement, et resta modestement à quelque distance du général sans parler. Le général ne le vit pas arriver ; il était assis près du feu, absorbé dans ses méditations. Quelques minutes se passèrent, et il se dit lui-même à demi-voix :

— Demain, il faut lever le rideau, et dévoiler nos plans. Puisse le ciel les faire réussir !

Un léger mouvement que fit l’étranger en entendant le son de sa voix attira son attention ; il tourna la tête, et vit qu’il n’était pas seul. Il lui fit signe d’avancer près du feu, et l’étranger s’en approcha, quoique les vêtements, qu’il portait, et qui semblaient destinés à le déguiser plutôt qu’à le couvrir, lui rendissent la chaleur peu nécessaire. Un second geste, plein de douceur et de bonté, l’invita à s’asseoir ; mais l’étranger s’y refusa avec modestie. Enfin, après quelques minutes, le général se leva, et ouvrant un coffret qui était placé sur une table, il y prit un petit sac qui paraissait assez lourd.

— Harvey Birch, dit-il alors, le moment où toutes relations doivent cesser entre nous est arrivé ; il faut qu’à l’avenir nous soyons étrangers l’un pour l’autre.

Le colporteur, laissa tomber sur ses épaules le grand manteau qui lui couvrait une partie du visage, regarda un instant le général avec un air de surprise, et baissant la tête sur sa poitrine, lui dit avec soumission :

— Je me conformerai au bon plaisir de Votre Excellence.

— C’est la nécessité qui l’exige. Depuis que je remplis la place qui m’a été confiée, il a été de mon devoir de connaître bien des gens qui, comme vous, m’ont servi d’instruments pour me procurer les renseignements dont j’avais besoin. Aucun n’a obtenu de moi la même confiance que vous, parce que j’ai apprécié de bonne heure votre caractère qui ne m’a jamais trompé. Vous seul vous connaissez mes agents secrets dans la ville, et de votre fidélité dépend non seulement leur fortune, mais leur existence.

Il se fut un instant, comme pour réfléchir aux moyens de rendre complète justice au colporteur, et continua ainsi qu’il suit :

— Parmi tous ceux que j’ai employés, vous êtes du petit nombre de ceux qui ont constamment servi notre cause avec fidélité. Tandis que vous passiez pour espion de l’ennemi, vous ne lui avez jamais appris que ce qu’il vous avait été permis de divulguer. Moi seul, moi seul dans le monde entier, je sais que vous avez toujours agi avec un entier dévouement à la liberté de l’Amérique.