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— Avance ! dit-il alors au Skinner, qui étonné de ces préparatifs, en était resté jusqu’alors spectateur attentif et silencieux. Il obéit, et ce ne fut que lorsqu’on l’eut débarrassé de sa cravate et que son chapeau eut été jeté par terre, qu’il commença à prendre l’alarme. Mais il avait eu recours si souvent lui-même à de pareils expédients pour forcer à parler ceux qui s’opiniâtraient à se taire, qu’il n’éprouva pas autant de terreur qu’en aurait ressenti un homme sans expérience en voyant des apprêts de si mauvais augure. Un nœud coulant lui fut ajusté autour du cou avec le même sang-froid qui avait caractérisé toute cette scène un morceau de planche fut placé sur le baril défoncé et on lui ordonna d’y monter.

— Mais le baril peut tomber, dit le Skinner, commençant à trembler pour la première fois. Sans que vous preniez tout cet embarras, je vous dirai tout ce que je sais ; je vous donnerai même les moyens de surprendre ma troupe, quoique ce soit mon propre, frère qui la commande.

— Je n’ai que faire de tes renseignements, lui répondit son exécuteur, car le capitaine en remplissait alors les fonctions ; et tendant d’abord la corde de manière à rendre un peu gênante la situation du Skinner, il la fit ensuite passer plusieurs fois autour de la poutre, et finit par en jeter le bout par dessus de manière à le mettre hors de portée.

— Cela passe la plaisanterie, dit le Skinner d’un ton de remontrance, en se levant sur la pointe des pieds et en faisant de vains efforts pour dégager sa tête du nœud coulant ; mais l’expérience du Vacher avait mis bon ordre à ce qu’il pût échapper.

— Qu’as-tu fait du cheval que tu m’as volé, drôle ? lui demanda l’officier en lâchant des nuages de fumée, tout en attendant une réponse.

— Il a crevé dans une course, répondit vivement le Skinner ; mais je puis vous dire où vous en trouverez un qui vaut mieux que lui et son père n’ont jamais valu.

— Menteur ! quand il m’en faudra un, je saurai où me le procurer ; mais je te conseille de te recommander à Dieu, car tu n’as plus longtemps à rester en ce monde.

En terminant cet avis consolant, le capitaine donna un grand coup de pied au baril, dont les douves se dispersèrent de tous côtés, et laissèrent le Skinner suspendu en l’air. Comme il avait