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glais ? Parle donc, mille tonnerres ! réponds-moi, misérable, ou je te fais accrocher à la potence préparée pour l’espion.

César tint bon. Ni les menaces ni les coups ne purent lui arracher un seul mot. Mais enfin le lieutenant changea son mode d’attaque, et par une transition assez naturelle, envoya sa lourde botte dans une direction qui la mit en contact avec l’os d’une jambe de César. C’était la partie sensible du nègre, et le cœur le plus endurci n’aurait pu exiger de lui une plus longue résistance. La patience lui manqua, et il s’écria :

— Holà ! Massa ! vous croire que moi pas sentir ?

— De par le ciel ! s’écria Mason, c’est le vieux nègre ! Misérable ! où est ton maître ? qui est ce coquin de ministre ? Et tout en parlant ainsi, il fit un mouvement de pied, comme s’il se fût préparé à livrer un nouvel assaut. Mais César lui demanda merci à grands cris, et lui promit de lui dire tout ce qu’il savait.

— Qui était ce ministre ? demanda Mason en levant sa jambe redoutable et en la tenant dans une attitude menaçante.

— Harvey ! Harvey ! s’écria César en levant alternativement celle de ses jambes qu’il croyait menacée, et en exécutant ainsi une espèce de danse.

— Harvey ! Qui ? chien de moricaud ! s’écria le lieutenant impatient et laissant enfin partir le coup dont le menaçait sa vengeance.

— Harvey Birch ! répondit César en tombant à genoux, tandis que de grosses larmes coulaient sur son visage luisant.

— Harvey Birch ! répéta Mason en poussant le nègre avec une violence qui le fit tomber ; et il descendit rapidement l’escalier, en criant : — Aux armes ! aux armes ! cinquante guinées pour la vie du colporteur ou de l’espion ! point de quartier pour lui ni pour l’autre ! À cheval ! aux armes ! à cheval !

Pendant le tumulte occasionné par le rassemblement des dragons qui se précipitèrent en désordre vers leurs chevaux, César se releva et commença à se tâter pour s’assurer s’il était blessé. Heureusement pour lui il était tombé sur la tête, et sa chute ne fut suivie d’aucun accident sérieux.