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de vous prendre le bras au dessous de l’épaule ; là ! vous avez des os vigoureux à ce que je vois. À ces mots, il la fit tourner rapidement, de manière à détruire tout le sang-froid philosophique de son esprit, et en un instant elle se trouva assise en sûreté, sinon fort à son aise, sur la croupe du coursier du capitaine.

— Maintenant, Madame, lui dit-il, vous avez la consolation de savoir que vous êtes aussi bien montée qu’on puisse le désirer. Mon cheval a le pied sûr, il saute comme une panthère.

— Laissez-moi descendre s’écria Katy, cherchant à se délivrer de la main de fer qui la retenait, mais craignant en même temps de tomber : — Est-ce ainsi qu’on met une femme à cheval ? D’ailleurs, il me faudrait un coussinet.

— Tout doux, ma bonne dame, tout doux, dit Lawton, car quoique Roanoke ne manque jamais des pieds de devant, il se dresse quelquefois sur ceux de derrière. Il n’est pas habitué à sentir une paire de talons lui battre les flancs comme les baguettes d’un tambour battent la caisse un jour de combat. Il se souvient quinze jours du plus léger coup d’éperon. Il n’est pas prudent de vous agiter ainsi, car c’est un cheval qui ne se soucie pas beaucoup d’un double fardeau.

— Laissez-moi descendre, vous dis-je, s’écria Katy. Je tomberai ; je serais tuée. D’ailleurs, je ne puis me tenir à rien ; ne voyez-vous pas que j’ai les deux mains occupées ?

Lawton tourna la tête en arrière, et vit que pendant qu’il enlevait la femme, la femme avait enlevé son paquet qu’elle tenait serré entre ses deux bras. Je vois que vous appartenez aux bagages, dit-il ; mais mon ceinturon peut entourer votre taille svelte et la mienne.

Katy fut trop flattée de ce compliment pour faire aucune résistance. Lawton l’attacha solidement à son corps d’Hercule, et faisant sentir l’éperon à son coursier, il partit de la pelouse avec une rapidité qui ne permit plus à Katy de songer à résister. Après avoir couru quelque temps d’un train qui déplaisait fort à la femme de charge, ils atteignirent la charrette de la vivandière, qui avait mis sa jument au pas, par considération pour les blessures du capitaine Singleton. Les événements de cette nuit étrange avaient occasionné à ce jeune militaire une agitation dont le résultat définitif était une lassitude extrême. Il était enveloppé soigneusement dans des couvertures, et soutenu par son domestique, hors