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effrayante ! Voulez-vous me briser le cœur ? ne me reconnaissez vous pas ?

— Paix ! dit Sara en mettant un doigt sur sa bouche, vous troubleriez son repos, car il me suivra sûrement dans la tombe. Croyez-vous que deux femmes puissent être dans le même tombeau ! Oh ! non !… non, non, rien qu’une, une seule.

Frances appuya sa tête sur le sein de sa sœur en sanglotant.

— Vous pleurez, bel ange ? reprit Sara avec douceur ; on n’est donc pas exempt de chagrins, même dans le ciel ? Mais où est Henry ? il devrait être ici, puisqu’il a été exécuté. Ils viendront peut-être ensemble. Qu’ils seront charmés de cette réunion !

Frances se releva, et se promena dans l’appartement avec une amertume de chagrin qu’elle ne pouvait maîtriser. Sara la suivit des yeux, se livrant à une admiration enfantine de sa beauté et de sa parure, qui était telle que l’occasion l’exigeait. Appuyant encore la main sur son front, elle lui dit :

— Vous ressemblez à ma sœur, mais tous les esprits bons et aimables se ressemblent. Dites-moi, avez-vous jamais été mariée ? Avez-vous jamais accordé, comme moi, plus d’affection à un étranger qu’à votre père, à votre frère, à votre sœur ? Si vous ne l’avez pas fait, pauvre fille que je vous plains, quoique vous soyez dans le ciel !

— Paix, Sara ! silence ! s’écria Frances en se précipitant près de sa sœur ne me parlez pas ainsi, ou vous me verrez mourir à vos pieds.

Un bruit épouvantable qui ébranla le bâtiment jusque dans ses fondations se fit entendre en ce moment. C’était le plafond qui s’écroulait, et les flammes redoublant d’activité rendirent visibles tous les environs de la maison. Frances courut à une fenêtre, et vit sur la pelouse un groupe rassemblé avec confusion. Elle y reconnut sa tante et Isabelle. Elles avaient les bras étendus vers la maison embrasée, avec un air de désespoir, et semblaient supplier quelques dragons qui étaient près d’elles d’aller secourir les infortunés qui s’y trouvaient. Ce fut le premier instant où elle connut la nature et la grandeur du péril, et poussant un grand cri d’effroi, elle s’élança dans le corridor par instinct, sans but comme sans réflexion.

Une colonne de fumée épaisse et étouffante lui ferma le passage. Elle s’arrêtait pour respirer, quand un homme la saisit entre