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L’ordre fut exécuté, et les brigands gardèrent le silence un instant, dans le vain espoir d’entendre tomber leur victime.

— Il ne tombera pas, quand même vous l’auriez tué, dit l’un d’eux. J’ai vu de ces Virginiens rester fermes sur la selle avec deux ou trois balles dans le corps, et même après leur mort.

Un coup de vent apporta à leurs oreilles le bruit de la course rapide d’un cheval dans la vallée, et sa marche régulière prouvait qu’elle était dirigée par un bon écuyer.

— Les chevaux bien dressés, dit un autre de la bande, sont habitués à s’arrêter quand leur cavalier tombe.

— En ce cas, il est sauvé ! s’écria le chef en frappant la terre de son mousquet dans un transport de rage ; l’infernal coquin nous a échappé… Eh bien ! en besogne à présent… Dans une demi-heure nous aurons sur les bras cet hypocrite de sergent et toute sa troupe. Nous serons fort heureux si le bruit des coups de fusil ne les met pas à nos trousses. Allons vite, à vos postes… mettez le feu aux chambres de la maison. Des ruines fumantes servent à couvrir les mauvaises œuvres.

— Et que ferons-nous de cela ? dit un autre en poussant du pied le corps de celui que Lawton avait presque étranglé, et qui était encore sans connaissance ; en le frottant un peu, il reviendrait à lui.

— Qu’il reste là ! répondit le chef avec fureur. S’il avait valu la moitié d’un homme, cet enragé dragon serait à présent en mon pouvoir. Entrez dans la maison, vous dis-je, et mettez le feu dans les chambres ; nous ne nous en irons pas d’ici les mains vides ; il s’y trouve assez d’argent comptant et d’argenterie pour nous enrichir tous… oui, et pour nous venger.

L’idée de l’argent, sous quelque forme que ce métal se présentât à leur esprit, avait quelque chose de trop séduisant pour qu’ils y résistassent, et, abandonnant leur compagnon qui commençait à donner quelques signes de vie, ils se précipitèrent vers la maison.

Wellmere profita de leur départ pour sortir sans bruit de l’écurie, et emmenant avec lui son cheval, il se trouva bientôt sur la route. Il hésita un moment s’il se rendrait aux Quatre-Coins pour donner l’alarme au détachement qu’il savait être stationné en cet endroit, et procurer du secours à la famille Wharton ; ou si, profitant de la liberté que lui avait rendue le cartel d’échange, il prendrait le chemin de New-York. La honte, et sa conscience qui lui reprochait son crime, le déterminèrent à ce dernier parti,