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pour sa destination, et le capitaine retourna lentement vers son logement, dans l’intention de se coucher. En ce moment son œil vigilant aperçut sur la lisière du bois, du côté où les Skinners avaient disparu, une figure marchant d’un pas rapide parmi les arbres. Tournant aussitôt sur le talon, le capitaine s’en approcha avec quelque précaution, et à son grand étonnement il vit la vivandière en cet endroit solitaire à une pareille heure.

— Eh quoi ! Betty, s’écria-t-il, vous êtes somnambule, ou rêvez-vous tout éveillée ? Ne craignez-vous pas de rencontrer le spectre de la vieille Jenny dans son pâturage favori ?

— Ah ! capitaine Jack, répondit-elle avec son accent ordinaire et en se dandinant d’une manière qui lui rendait difficile de lever la tête, ce n’est ni Jenny ni son spectre que je cherche, ce sont des herbes pour les blessés, et elles ont plus de vertu quand on les cueille au lever de la lune. J’en trouverai derrière ces rochers, et il faut que j’y aille bien vite, ou le charme perdra son pouvoir.

— Folle que vous êtes, dit Lawton, vous feriez mieux d’être dans votre lit que de courir ces rochers où une chute vous briserait les os. D’ailleurs les Skinners se sont enfuis sur ces hauteurs, et ils pourraient vouloir se venger sur vous d’une discipline que je viens de leur faire administrer. Croyez-moi, bonne femme, rentrez et reposez-vous : j’ai entendu dire que nous nous mettons en marche demain matin.

Betty n’écouta pas ses avis et continua à s’avancer de biais sur les rochers. Lorsque Lawton avait parlé des Skinners, elle s’était arrêtée un instant ; mais elle s’était remise en marche sur-le-champ, et elle disparut bientôt au milieu des arbres.

Lorsque le capitaine arriva à l’hôtel Flanagan, le factionnaire qui était à la porte lui demanda s’il avait rencontré Betty, et ajouta qu’elle venait de sortir en vomissant des menaces contre des insolents qui l’avaient tourmentée, et en disant qu’elle allait chercher le capitaine pour en demander justice. Lawton entendit ce récit avec surprise, parut frappé d’une nouvelle idée, retourna en arrière du côté du verger, revint sur ses pas, et pendant plusieurs minutes se promena rapidement devant la porte de la maison. Enfin il se décida à y entrer, se jeta sur son lit sans se déshabiller, et ne tarda pas à s’endormir.

Pendant ce temps les maraudeurs avaient gagné le haut des rochers, et s’étaient dispersés de tous côtés dans l’épaisseur du bois. Voyant pourtant qu’on ne les poursuivait pas ; et dans le fait la