Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/203

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

préparé un pour lui ? Non, non, non ! Washington ne prononcerait jamais pour moi ces paroles Qu’on le conduise au gibet »

— Avez-vous quelque motif à faire valoir pour recourir à la clémence du général en chef ? lui demanda Dunwoodie, quand il fut remis de la surprise que lui avait causée l’énergie du colporteur.

Harvey trembla de tous ses membres, tant était violente la lutte intérieure de ses réflexions, et tous ses traits se couvrirent de la pâleur de la mort. Il tira de son sein une petite boîte d’étain, l’ouvrit, et y prit un petit papier. Ses yeux s’y fixèrent un instant ; il allongeait déjà le bras vers Dunwoodie pour le lui présenter mais tout à coup il retira sa main, et s’écria :

— Non ! ce secret mourra avec moi. Je sais quel est mon devoir, et je n’achèterai pas la vie en y manquant. Il mourra avec moi.

— Donnez-moi ce papier ; et il est possible que vous obteniez votre grâce, dit le major s’attendant à quelque découverte importante.

— Le secret mourra avec moi ! répéta Birch, dont la pâleur avait fait place à la plus vive rougeur.

— Qu’on saisisse ce traître ! s’écria Dunwoodie, et qu’on lui arrache ce papier !

Cet ordre fut exécuté à l’instant ; mais le mouvement du colporteur avait été encore plus prompt, et le papier fut avalé avant qu’on eût le temps de s’en emparer. Tous les officiers restèrent immobiles en voyant cet acte d’audace et de dextérité.

— Tenez-le, s’écria le docteur, tenez-le bien je vais lui administrer quelques grains d’émétique.

— Non, dit Dunwoodie en lui faisant signe de reculer ; si son crime est grand, son châtiment sera exemplaire.

— Qu’on me conduise donc, dit le colporteur en jetant sa balle par terre, et en faisant quelques pas vers la porte avec une dignité inconcevable.

— Où ? demanda Dunwoodie avec surprise.

— Au gibet.

— Pas encore, dit le major, frémissant de ce que la justice exigeait de lui. Mon devoir m’oblige à ordonner votre exécution, mais non à y mettre tant de précipitation. Vous aurez jusqu’à demain matin à neuf heures pour vous préparer au changement terrible qui va s’opérer en vous.