Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/155

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

peut être une fille, une sœur, une nièce, mais il est impossible que ce soit une tante.

— Silence ! George, silence ! vous parlez tant, que votre pouls recommence à battre avec violence. Il faut vous tranquilliser, et vous préparer à voir votre sœur qui sera ici dans une heure.

— Quoi ! Isabelle. Qui l’a envoyé chercher ?

— Le major, répondit le docteur d’un ton sec.

— Ce bon, cet excellent Dunwoodie ! murmura le jeune homme épuisé, en retombant de nouveau sur son oreiller. Et les ordres réitérés de Sitgreaves l’obligèrent à y rester en silence.

Le capitaine Lawton lui-même, quand il était arrivé pour le déjeuner, avait été accueilli avec la plus grande politesse par tous les membres de la famille qui s’étaient empressés de lui demander des nouvelles de sa santé ; mais un esprit invisible veillait à ce que rien ne manquât au colonel anglais. La délicatesse de Sara ne lui avait pas permis de mettre le pied dans son appartement, mais elle connaissait la position exacte de tout ce qu’elle faisait porter dans sa chambre, et tout ce qui y entrait avait été préparé par ses mains.

À l’époque dont nous parlons, nous formions une nation divisée, et Sara croyait ne faire que son devoir en restant religieusement attachée au pays qui avait été le berceau de ses ancêtres : mais d’autres raisons, et bien plus fortes encore, motivaient la préférence silencieuse que Sara accordait au colonel anglais. Il avait le premier rempli le vide de sa jeune imagination, et son image était ornée de ces attraits qui font impression sur le cœur d’une femme. Il est vrai qu’il n’avait pas la taille élevée et l’air gracieux de Dunwoodie, son regard imposant, son œil éloquent et son accent mâle, quoique plein de sensibilité ; mais il avait le plus beau teint, les joues vermeilles, les dents superbes, et aussi bien rangées que celles que faisait apercevoir le sourire du major virginien. Sara, avant le déjeuner, avait parcouru plusieurs fois toute la maison, jetant souvent un regard inquiet sur la porte de la chambre du colonel Wellmere, mourant d’envie d’avoir des nouvelles de sa santé, mais n’osant en demander, de crainte de trahir l’intérêt qu’elle y prenait. Enfin sa sœur, avec toute la franchise de l’innocence, adressa au docteur Sitgreaves la question si désirée.

— Le colonel Wellmere, répondit le chirurgien, est dans ce que j’appelle un état de libre arbitre, malade ou bien portant,