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— Le colonel Wellmere s’écria le jeune Wharton fort surpris en les voyant entrer. La fortune de la guerre ne vous a donc pas mieux traité que moi ? Vous êtes le bien venu chez mon père ; mais j’aurais voulu pouvoir vous présenter à lui dans des circonstances plus heureuses.

M. Wharton reçut son nouvel hôte avec la circonspection et la réserve qui ne l’abandonnaient jamais, et Dunwoodie sortit de l’appartement pour se rendre dans la chambre de son ami ; il y trouva la confirmation de ses espérances, et il informa le chirurgien qu’un autre blessé avait besoin de ses secours, et qu’il le trouverait dans le salon. Ce peu de mots suffirent pour mettre le docteur en mouvement, et, saisissant sa trousse, il se hâta d’aller chercher le nouveau personnage qui réclamait ses soins. À la porte du salon il rencontra les dames qui en sortaient. Miss Peyton l’arrêta un instant pour lui demander des nouvelles du capitaine Singleton. Frances ne put retenir le sourire malin qui lui était naturel, en voyant l’extérieur grotesque du praticien à tête chauve ; mais Sara était encore trop agitée par la surprise que lui avait occasionnée l’arrivée inattendue du colonel anglais pour faire attention au costume du docteur. On a déjà dit que le colonel Wellmere était une ancienne connaissance de la famille. Sara avait été si longtemps absente de New-York que son souvenir s’était presque effacé de l’esprit du colonel ; mais l’impression qu’il avait faite sur son cœur avait été plus durable. Il existe dans la vie de chaque femme une époque où l’on peut dire que son âme est plus ouverte à l’amour : c’est l’âge heureux où l’enfant disparaît pour faire place à l’adolescence, où le cœur innocent bat vivement en se formant de la vie des idées de perfection que l’homme ne peut jamais réaliser. C’était à cet âge que Sara avait quitté la ville, et elle en avait rapporté un tableau de l’avenir qui n’était qu’ébauche à la vérité, mais dont les couleurs devinrent plus vives dans la solitude ; Wellmere était toujours l’objet de sa première pensée. La surprise de voir le colonel l’avait presque décontenancée et après avoir reçu ses premiers compliments, elle s’était levée à un signe que lui avait fait sa tante pour se retirer avec elle et sa sœur.

— Ainsi, Monsieur, dit miss Peyton après avoir écouté le compte que lui rendit le chirurgien de la situation du jeune blessé, nous pouvons nous flatter de l’espoir de sa guérison ?

— Elle est certaine, Madame, répondit le docteur en cherchant,