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OU LE TUEUR DE DAIMS.

importantes, celui qui réussit à donner une idée exacte d’une partie quelconque de cette région sauvage doit nécessairement en présenter une assez correcte de la totalité.

Quels que puissent être les changements produits par l’homme, le retour éternel des saisons est invariable. L’été et l’hiver, le temps des ensemencements et celui de la récolte reviennent, avec une précision sublime, aux époques qui leur ont été fixées, et fournissent à l’homme une des plus nobles occasions de prouver jusqu’à quel point son esprit peut atteindre en s’élevant à la connaissance des lois qui assurent cette uniformité, et en calculant leurs révolutions constantes. Des siècles de soleil d’été avaient échauffé les cimes de ces nobles chênes et de ces pins toujours verts, et fait sentir leur chaleur jusqu’à leurs dernières racines, lorsque des voix humaines, s’appelant l’une l’autre, se firent entendre dans la profondeur d’une forêt, tandis que, par un jour du mois de juin, le feuillage du haut des arbres était baigné dans des flots de lumière, et que leurs troncs s’élevaient en sombre grandeur dans l’ombre au-dessous. Ces appels se faisaient sur un ton différent, et ils provenaient évidemment de deux hommes qui avaient perdu leur chemin, et qui le cherchaient chacun de son côté. Enfin, un grand cri annonça le succès, et au même instant un homme sortant du labyrinthe formé par de grands buissons croissant sur un marécage, entra dans une percée qui semblait avoir été pratiquée dans la forêt par les ravages du vent et du feu. En cet endroit, la voûte du ciel était visible, quoique beaucoup d’arbres morts fussent encore debout, et l’on était sur la rampe d’une des petites montagnes qui couvraient presque toute la surface du pays adjacent.

— Il y a place pour respirer ici, s’écria cet individu en voyant un ciel pur sur sa tête, et en secouant ses membres vigoureux comme un mâtin sortant d’un trou plein de neige dans lequel il est tombé ; hourra ! Deerslayer, on voit clair ici enfin, et voilà le lac.

À peine ces mots avaient-ils été prononcés que son compagnon, écartant les branches dans une autre partie du marécage, se montra dans la percée. Après avoir arrangé à la hâte ses armes et ses vêtements en désordre, il rejoignit son compagnon, qui faisait déjà ses préparatifs pour une halte.

— Connaissez-vous cet endroit ? demanda celui que l’autre avait nommé Deerslayer[1], ou criez-vous de joie de revoir le soleil ?

— L’un et l’autre, mon garçon ; je connais cet endroit, et je ne

  1. Tueur de daims. On prononce Dirslayeur.