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OU LE TUEUR DE DAIMS.
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cette observation, en prenant sa main dure entre les siennes. Vous avez causé longtemps avec Harry March ; mais ni vous ni lui vous n’aurez le cœur de le faire.

— C’est vouloir aller au-delà de vos moyens, sotte enfant. Il faut que vous nous ayez écoutés, sans quoi vous ne pourriez rien savoir de ce que nous disions.

— Pourquoi vous et Hurry voudriez-vous tuer des hommes, et surtout des femmes et des enfants ?

— Paix, ma fille, paix ! nous sommes en guerre, et nous devons faire à nos ennemis ce qu’ils nous feraient à nous-mêmes.

— Ce n’est pas cela, mon père ; j’ai entendu Deerslayer parler tout autrement. Vous devez faire à vos ennemis ce que vous voudriez que vos ennemis vous fissent à vous-même. Personne ne désire que ses ennemis le tuent.

— Nous tuons nos ennemis quand nous sommes en guerre, de peur qu’ils ne nous tuent, mon enfant. Il faut qu’on commence d’un côté ou de l’autre, et ceux qui commencent les premiers sont les plus près d’être victorieux. Mais vous n’entendez rien à tout cela, ma pauvre Hetty, et vous feriez mieux de ne pas en parler.

— Judith dit que c’est mal, mon père ; et Judith a du jugement, si je n’en ai pas.

— Judith sait trop bien ce qu’elle doit faire pour me parler de pareilles choses ; car elle a du jugement, comme vous le dites, et elle sait que je ne le souffrirais pas. Que préféreriez-vous, Hetty, qu’on vous enlève votre chevelure pour la vendre aux Français, ou que nous tuions nos ennemis pour les mettre hors d’état de nous nuire ?

— Ce n’est pas cela, mon père. Ne les tuez pas, et ne souffrez pas qu’ils nous tuent. Vendez vos peaux, amassez-en encore davantage, mais ne vendez pas le sang.

— Allons, allons, mon enfant, parlons d’affaires qui soient à votre portée. Êtes-vous charmée du retour de notre ancien ami March ? Vous aimez Hurry, et vous devez savoir qu’un de ces jours il peut être votre frère, sinon quelque chose de plus proche.

— Cela n’est pas possible, mon père, répondit-elle après une assez longue pause ; Hurry a eu un père et une mère, et personne ne peut en avoir deux.

— Voilà ce que c’est que d’être faible d’esprit, Hetty. Quand Judith sera mariée, le père de son mari sera son père, et la sœur de son mari sera sa sœur. Si elle épouse Hurry, il sera donc votre frère.