Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 19, 1842.djvu/71

Cette page a été validée par deux contributeurs.
67
OU LE TUEUR DE DAIMS.

d’un loup, et je touche la prime avec le même plaisir dans un sens que dans l’autre. À l’égard des blancs, la chose est toute différente, parce qu’ils ont une aversion naturelle à être scalpés, au lieu que vos Indiens se rasent la tête pour la préparer au couteau, et y laissent sur le haut, par bravade, une touffe de cheveux, afin qu’on puisse la saisir pour faciliter l’opération.

— Cette conduite est mâle du moins. J’ai pensé dès l’origine qu’il ne fallait que vous avoir avec nous pour vous avoir cœur et main, dit le vieux Tom perdant toute sa réserve, et sentant renaître sa confiance en son compagnon. Cette incursion des Indiens peut leur valoir quelque chose de plus qu’ils ne s’y attendaient. — Deerslayer, je suppose que vous pensez comme Hurry, et que vous regardez l’argent gagné de cette manière comme aussi bon que celui que gagnent un trappeur et un chasseur.

— Non. Je n’ai ni ne désire avoir de pareils sentiments. Les dons que m’a faits le ciel sont ceux qui conviennent à ma couleur et à ma religion, et celui de scalper n’en fait point partie. Je vous défendrai, Tom Hutter, soit sur l’arche, soit dans le château, dans les bois comme sur une pirogue, mais je ne sortirai pas de ma nature humaine en entrant dans des voies que Dieu a destinées pour une autre race d’hommes. Si vous et Hurry vous avez envie de gagner ainsi l’argent de la colonie, partez avec lui et laissez vos filles sous ma garde. Quoique je pense tout autrement que vous relativement aux dons qui n’appartiennent pas aux blancs, nous serons d’accord que c’est le devoir du fort de prendre soin du faible, surtout quand celui-ci fait partie de cette classe de créatures que la nature a voulu que l’homme protège et console par sa force et par sa douceur.

— Hurry Harry, c’est une leçon que vous devriez apprendre, et dont vous feriez bien de profiter, dit la voix douce mais animée de Judith, de la seconde chambre, ce qui prouvait qu’elle avait entendu tout ce qui avait été dit jusqu’alors.

— Taisez-vous, Judith ! s’écria le père d’un ton de colère. Allez plus loin ; nous parlons de choses qu’il ne convient pas à une femme d’écouter.

Il ne prit pourtant aucune mesure pour s’assurer si sa fille lui avait obéi ou non : mais, baissant un peu la voix, il reprit la parole ainsi qu’il suit :

— Le jeune homme a raison, Hurry, et nous pouvons lui confier le soin de mes filles. Or, voici quelle est mon idée, et je crois que vous conviendrez qu’elle est correcte et raisonnable. Il y a une