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OU LE TUEUR DE DAIMS.

cier tous les risques qu’elles couraient, tandis que ses deux compagnons pouvaient le quitter dès qu’ils le jugeraient à propos. Sa première remarque prouva qu’il avait cette dernière circonstance présente à l’esprit, et un bon observateur aurait vu que c’était ce qui l’occupait le plus en ce moment.

— Nous avons un grand avantage sur les Iroquois, ou sur les ennemis, quels qu’ils puissent être, dit-il, en ce que nous sommes sur le lac. Il ne s’y trouve pas une seule pirogue que je ne sache où elle est, et maintenant que nous avons la vôtre sous la main, Hurry, il ne s’en trouve plus que trois sur les bords, et elles sont si bien cachées dans des troncs d’arbres creux, que je ne crois pas que les Indiens puissent les trouver, quelque temps qu’ils passent à les chercher.

— Je n’en sais trop rien, dit Deerslayer, c’est ce que personne ne saurait dire. Un chien n’est pas plus sûr de la piste qu’une Peau Rouge qui s’attend à y gagner quelque chose. Que ces vagabonds voient devant eux des chevelures, du pillage, ou de l’honneur, suivant les idées qu’ils s’en font, et je ne sais où est le tronc d’arbre qui pourrait cacher une pirogue à leurs yeux.

— Vous avez raison, Deerslayer, s’écria Harry March, et vous parlez à ce sujet comme l’Évangile. Je suis charmé d’avoir une pirogue en sûreté et à portée de mon bras. Je calcule qu’ils auront trouvé les autres avant demain soir, s’ils ont dessein de vous enfermer dans votre tanière, vieux Tom. — Et en parlant de cela, nous ferons bien de reprendre nos rames.

Hutter ne lui répondit pas sur-le-champ. Il regarda autour de lui une bonne minute, examinant le ciel, le lac et la ceinture de forêts qui l’enfermait, comme on pourrait le dire, hermétiquement, comme s’il eût cherché à y découvrir des signes. Il n’y vit aucun symptôme alarmant ; les bois étaient ensevelis dans le sommeil profond de la nature, le ciel était pur, et encore éclairé au couchant par la lumière du soleil, et le lac semblait encore plus calme et plus tranquille qu’il ne l’avait été dans la journée. C’était une scène faite pour donner aux passions un caractère de saint calme. Jusqu’à quel point elle produisit cet effet sur ceux qui en étaient témoins à bord de l’arche, c’est ce qu’on verra dans la suite de notre histoire.

— Judith, dit le vieux Tom quand il eut fini cet examen, la nuit s’approche, préparez à souper pour nos amis : une longue marche aiguise l’appétit.

— Nous n’avons pas grand’faim, maître Hutter, répondit March,