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DEERSLAYER

puissants que lui parmi ses nouveaux amis, et à peine lui avait-il été permis de rester dans leur camp, où il était surveillé d’aussi près que Hist l’était elle-même, et où il paraissait rarement devant les chefs. Il avait eu le plus grand soin de ne pas se montrer à Deerslayer, qui, jusqu’à ce moment, avait même ignoré qu’il fût dans le camp des Hurons. Interpellé de cette manière, il lui était impossible de rester derrière les autres. Il n’effaça pourtant pas de son visage les couleurs iroquoises, qui le déguisaient si bien, que lorsqu’il se fut avancé dans le cercle le jeune chasseur ne le reconnut pas. Prenant un ton de bravade, il demanda avec hauteur ce qu’on avait à dire contre Briarthorn.

— C’est à vous-même que vous devez faire cette question, s’écria Hist avec chaleur, quoique ses idées semblassent moins concentrées sur le même objet, et qu’elle en parût distraite par quelque autre chose, comme s’en aperçurent Deerslayer et Judith, sinon d’autres. Demandez-le à votre propre cœur, lâche déserteur des Delawares, et ne venez pas ici avec la face d’un homme innocent. Allez vous regarder dans une source, et reconnaissez sur votre peau menteuse les couleurs de vos ennemis naturels. Revenez ensuite vous vanter de la manière dont vous avez fui de votre tribu, et dont vous avez pris une couverture française pour vous couvrir. Peignez-vous ensuite tout le corps de couleurs aussi brillantes que celles de l’oiseau-mouche, vous n’en serez pas moins aussi noir que le corbeau.

Hist avait montré une douceur si uniforme pendant tout le temps qu’elle avait passé avec les Hurons, qu’ils furent au comble de la surprise en l’entendant parler ainsi. Quant à Briarthorn, le sang lui bouillait dans les veines, et il fut heureux pour Hist qu’il ne fût pas en son pouvoir de faire tomber sa vengeance sur elle, en dépit de l’amour qu’il avait eu.

— Que désire-t-on de Briarthorn ? demanda-t-il avec arrogance. Si l’homme blanc est las de la vie, s’il craint les tourments, parlez, Rivenoak, et je l’enverrai rejoindre les guerriers que nous avons perdus.

— Non, chef ; non, Rivenoak, s’écria Hist avec vivacité ; Deerslayer ne craint rien, ni personne, et moins que personne un corbeau. Faites couper ses liens, placez-le en face de cet oiseau croassant, et nous verrons lequel des deux ira joindre vos guerriers.

Hist fit un mouvement en avant pour prendre le couteau d’un jeune homme et faire elle-même ce qu’elle avait proposé ; mais, à un signe de Rivenoak, un vieux guerrier la retint. Le chef surveillait avec méfiance tous les mouvements de la jeune Indienne ; car,