Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 19, 1842.djvu/478

Cette page a été validée par deux contributeurs.
473
OU LE TUEUR DE DAIMS.

fussiez restée sur l’arche ou dans le château ; mais ce qui est fait est fait. — Mais vous alliez dire quelque chose, quand vous vous êtes arrêtée au mot d’ailleurs.

— Il pourrait n’être pas sûr d’en parler ici, répondit-elle à la hâte en passant devant lui nonchalamment pour pouvoir lui dire un mot à voix basse. — Une demi-heure est tout pour nous. Aucun de vos amis n’est resté oisif.

Le jeune chasseur ne lui répondit que par un regard reconnaissant. Il se tourna ensuite vers ses ennemis, connue s’il eût été prêt à braver les tourments. Une courte consultation avait eu lieu entre les chefs, et ils venaient de prendre leur détermination. Le projet miséricordieux de Rivenoak avait été fort affaibli par l’artifice de Judith, qui, venant à manquer, avait produit un effet tout à fait contraire à son attente. Cela était tout naturel, car les Indiens devaient être piqués en voyant qu’ils avaient été sur le point d’être dupes du stratagème d’une jeune fille. Aucun d’eux ne doutait alors qu’elle ne fût réellement fille du Rat-Musqué, le bruit généralement répandu de sa beauté contribuant à les en convaincre. Quant à sa parure extraordinaire, c’était un mystère qui se confondait avec celui des animaux à deux queues, et elle n’eut plus aucune influence sur leurs esprits.

Quand Rivenoak revint près de son prisonnier, sa physionomie n’était plus la même ; il avait renoncé au désir de le sauver, et il n’était plus disposé à retarder plus longtemps les tortures. Ce changement survenu dans ses idées s’était communiqué aux jeunes guerriers, et ils faisaient les derniers préparatifs pour l’ouverture de cette scène. Des branches sèches furent rapidement amoncelées près d’un jeune arbre. Les éclats de racines de pins qui devaient lui être enfoncées dans la chair avant de les allumer furent rassemblés. — Les cordes destinées à l’attacher à l’arbre furent apportées. Tout cela se fit en profond silence. Judith suivait des yeux tous ces mouvements presque sans pouvoir respirer, tandis que Deerslayer n’en paraissait pas plus ému qu’un des arbres de la forêt. Cependant quand des guerriers s’approchèrent de lui avec des cordes, il jeta sur Judith un regard qui semblait lui demander s’il devait résister ou se soumettre. Un geste expressif qu’elle fit lui conseilla ce dernier parti. Il fut donc attaché à l’arbre une seconde fois, exposé à toutes les insultes et à tous les actes de cruauté. Chacun était alors si activement occupé, que pas un mot ne fut prononcé. Le feu fut bientôt mis au bûcher, et l’on en attendit le résultat avec impatience.