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OU LE TUEUR DE DAIMS.

— Je nie cela, Huron, s’écria Deerslayer avec chaleur ; je le nie positivement, comme étant contre la raison et la vérité. Personne ne m’a jamais entendu me vanter, et personne ne l’entendra jamais ; quand même vous m’écorcheriez tout vivant, et que vous me feriez rôtir ensuite avec toutes vos cruautés infernales. Je puis être humble et malheureux, je suis votre prisonnier, mais il n’est pas dans mes dons de me vanter.

— Mon jeune ami à Face-Pâle se vante de ne jamais se vanter, dit Rivenoak avec un sourire ironique, — il doit avoir raison. — Mais j’ai entendu chanter un oiseau étranger. Il y a un plumage dont aucun Huron n’a jamais vu le semblable. Nous serions honteux de retourner dans notre village et de dire à nos frères que nous avons rendu notre prisonnier, séduits par le chant et les belles plumes de cet oiseau, sans pouvoir leur dire quel en est le nom. Mes guerriers ne savent s’ils doivent dire que c’est un roitelet ou un oiseau de paradis. Ce serait une honte pour eux. On ne voudrait plus permettre à nos jeunes gens de parcourir les bois sans avoir leurs mères avec eux pour leur apprendre le nom des oiseaux.

— Vous pouvez demander mon nom à votre prisonnier ; il vous dira que je me nomme Judith, et il est beaucoup parlé de l’histoire de Judith dans le meilleur livre des Faces-Pâles, la Bible. Si je suis un oiseau portant de belles plumes, je porte aussi un beau nom.

— Non, répondit le chef, laissant voir l’artifice qu’il avait employé en parlant anglais de manière à se faire comprendre, — non ; pas demander au prisonnier, — est fatigué, — a besoin de repos. — Demander à ma fille l’Esprit-Faible. — Près de moi, ma fille ; vous répondre. — Hetty votre nom, n’est-ce pas ?

— Oui, c’est ainsi qu’on m’appelle, quoique ce nom soit écrit Esther dans la Bible.

— Écrit aussi dans la Bible ! — Tout écrit dans la Bible, donc ? — N’importe ! Son nom à elle ?

— Judith ; c’est ainsi qu’il est écrit dans la Bible, — c’est ma sœur Judith, fille de Thomas Hutter, que vous appeliez le Rat-Musqué, quoiqu’il ne fût pas un rat musqué, mais un homme comme vous. Il demeurait dans une maison sur le lac, et c’était assez pour vous.

Un sourire de triomphe parut sur le visage ridé du vieux chef, en voyant qu’il avait complètement réussi en s’adressant à une jeune fille aussi véridique que l’était Hetty. Quant à Judith, du moment que Rivenoak interrogea Hetty, elle vit que tout était perdu, car nul signe, nulle prière, n’auraient pu engager sa sœur à faire un