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OU LE TUEUR DE DAIMS.

n’est pas facile de remonter jusqu’aux sources des pensées des Indiens. Judith attendait une réponse avec une inquiétude mêlée de doute et d’espoir. Rivenoak était un orateur exercé, et il répondit aussi promptement que le comportaient les idées des Indiens sur le décorum : car ils pensent qu’un certain délai, avant de répondre, annonce plus de respect, et prouve que les paroles qu’on vient d’entendre ont été mûrement pesées.

— Ma fille est plus belle que les roses sauvages de l’Ontario, et sa voix est aussi agréable à l’oreille que le chant du roitelet, répondit ce chef circonspect et cauteleux qui, seul de tous les Hurons, ne s’en était pas laissé imposer par la parure magnifique et la beauté transcendante de Judith, et dont l’admiration était mêlée de méfiance. L’oiseau-mouche n’est guère plus gros que l’abeille, et pourtant son plumage est aussi brillant que les plumes de la queue du paon. Le Grand-Esprit couvre quelquefois de très-petits animaux d’un vêtement splendide, tandis qu’il n’accorde à l’élan qu’un poil grossier. Toutes ces choses sont au-dessus de l’intelligence des pauvres Indiens, qui ne comprennent que ce qu’ils voient et ce qu’ils entendent. Ma fille a sans doute un très-grand wigwam quelque part dans les environs du lac ; les Hurons ne l’ont pas découvert à cause de leur ignorance.

— Je vous ai dit, chef, qu’il serait inutile de vouloir vous expliquer quel est mon rang, puisque vous ne pourriez me comprendre. Il faut vous fier à vos yeux pour cette connaissance ; quel est l’homme rouge ici qui ne puisse le voir ? Les vêtements que je porte ne ressemblent pas à la couverture que vos squaws jettent sur leurs épaules, et des ornements d’un genre qui approche des miens ne se voient que sur les femmes et les filles des premiers chefs. À présent, écoutez-moi, Huron, et apprenez pourquoi je me suis rendue seule au milieu de vous, et quel est le motif de ma visite. Les Anglais ont des jeunes guerriers aussi bien que les Hurons, et en grand nombre, vous le savez.

— Les Yengeese sont aussi nombreux que les feuilles des arbres. Il n’y a pas un Huron qui ne le sache.

— Je vous comprends, Huron. Si j’avais amené du monde avec moi, il aurait pu en résulter des malheurs. Mes jeunes guerriers et les vôtres auraient pu se regarder de mauvais œil, surtout si les miens avaient vu ce jeune blanc prêt à subir la torture. C’est un grand chasseur estimé dans tous les forts, voisins ou éloignés. Il y aurait eu une querelle, et la piste des Iroquois retournant dans le Canada aurait été couverte de sang.