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OU LE TUEUR DE DAIMS.

thère ne fît naître dans quelque esprit impétueux la tentation de donner la mort au prisonnier de la même manière, et peut-être avec le même tomahawk qui lui avait servi pour le tuer lui-même. Cette circonstance rendait l’épreuve du tomahawk doublement critique pour Deerslayer.

Il paraît pourtant que tous ceux qui entrèrent dans ce que nous appellerons la lice étaient plus disposés à montrer leur adresse qu’à venger la mort de leurs deux compagnons. Chacun d’eux fit ses préparatifs avec un sentiment de rivalité plutôt qu’avec un désir de vengeance, et parut plus empressé que féroce. Rivenoak crut voir des signes qui lui firent espérer qu’il pourrait sauver la vie du prisonnier, quand la vanité des jeunes guerriers aurait été satisfaite ; toujours en supposant qu’il ne perdrait pas la vie dans l’épreuve délicate qu’il allait subir.

Le premier qui se présenta fut un jeune homme nommé la Corneille, n’ayant pas encore eu l’occasion d’obtenir un sobriquet plus belliqueux. Il était plus remarquable par ses prétentions que par sa dextérité et ses exploits, et ceux qui le connaissaient bien crurent que la vie du prisonnier courait un grand risque, quand ils le virent se mettre en place et lever son tomahawk. Il était pourtant sans malveillance, et il ne songeait qu’à se distinguer par-dessus tous les autres. Deerslayer se douta du manque de réputation de ce jeune guerrier, en voyant les vieux chefs s’approcher de lui pour lui faire des recommandations et des injonctions. Ils n’auraient pas même consenti qu’il fût admis à cette épreuve, sans le respect qu’ils avaient pour son père, vieux guerrier plein de mérite, qui était resté dans le Canada. Notre héros maintint pourtant tout l’extérieur du sang-froid. Il se disait que son heure était venue, et que ce serait une merci du ciel plutôt qu’une calamité s’il recevait la mort avant d’être abandonné à la torture. Après avoir pris différentes attitudes, pour se donner un air d’importance, et avoir fait force gestes qui promettaient plus qu’il n’était en état de faire, la Corneille lança son tomahawk, qui, après avoir fait en l’air ses évolutions ordinaires, passa à trois ou quatre pouces de la joue du prisonnier, et s’enfonça dans un gros chêne qui était à quelques toises par derrière. C’était décidément un coup manqué, et un ricanement général le proclama, à la grande mortification du jeune homme ; mais il s’éleva aussi un murmure d’admiration étouffé, mais universel, quand on vit la fermeté avec laquelle Deerslayer avait attendu le coup. La tête était la seule partie de son corps qu’il pût remuer, et l’on s’attendait à le voir la tourner d’un côté ou de l’autre pour