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OU LE TUEUR DE DAIMS.

suivez mon avis, et ne parlez jamais à Hurry de pareilles choses. Il n’est qu’un simple habitant des frontières, après tout.

— Je ne lui en parlerais pas pour tout au monde, s’écria Hetty regardant autour d’elle comme si elle eût été effrayée, et rougissant sans savoir pourquoi. Ma mère disait toujours que les jeunes filles ne doivent jamais faire d’avances, ni dire ce qu’elles pensent avant qu’on le leur demande. Oh ! jamais je n’oublie ce que j’ai entendu dire à ma mère. — C’est bien dommage que Hurry soit si beau, Deerslayer : sans cela il ne serait pas courtisé par tant de jeunes filles, et il saurait plus tôt ce qu’il veut faire.


— Pauvre fille ! pauvre fille ! la chose n’est que trop claire ; mais le Seigneur prendra en pitié un cœur simple et plein de bons sentiments. Si vous aviez de la raison, Hetty, vous regretteriez d’avoir fait connaître vos secrets à d’autres. Mais n’en parlons plus. — Dites-moi donc ce que sont devenus tous les Hurons, et pourquoi ils vous laissent rôder sur toute la pointe, comme si vous étiez aussi leur prisonnière ?

— Je ne suis pas prisonnière, Deerslayer ; je suis libre, et je vais et viens où je veux et comme bon me semble. Personne n’oserait me faire mal, car Dieu en serait irrité, comme je puis le leur montrer dans la Bible. — Non, non, Hetty Hutter ne craint rien ; elle est en bonnes mains. — Les Hurons sont là-bas plus avant dans les bois, et ils nous surveillent tous deux avec soin, soyez-en bien sûr ; les femmes et les enfants en sont chargés. Les hommes s’occupent à enterrer la pauvre fille qui a été tuée par Hurry, pour que ni les ennemis ni les bêtes sauvages ne puissent la trouver. Je leur ai dit que mon père et ma mère sont enterrés dans le lac, mais je n’ai pas voulu leur indiquer l’endroit ; car je ne veux pas qu’on enterre des païens dans notre cimetière de famille.

— Eh bien ! c’est une terrible précipitation que d’être ici bien portant et vigoureux, et d’être ensuite emporté dans une heure pour être jeté dans un trou et caché aux yeux de tous les vivants. Mais personne ne sait ce qui peut lui arriver sur le sentier de guerre.

Le remuement des feuilles et le craquement de branches mortes interrompirent la conversation, et apprirent à Deerslayer l’arrivée de ses ennemis. Ils entourèrent l’espace découvert qui devait être le théâtre de la dernière scène, et au centre duquel se trouvait la victime, — les hommes armés étant distribués parmi les femmes et les enfants, de manière à rendre la fuite impossible au prisonnier. Mais celui-ci ne songeait plus à fuir ; la tentative qu’il venait de faire lui avait démontré l’inutilité d’en faire une nouvelle. Il s’ar-