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OU LE TUEUR DE DAIMS.

quand Deerslayer parut sur le sable et lui fit signe de revenir.

— C’était agir inconsidérément que de tirer un coup de fusil avant d’avoir fait une reconnaissance exacte pour nous assurer qu’il n’y avait pas d’ennemis dans les environs, dit Deerslayer quand son compagnon l’eut rejoint, un peu à contre-cœur ; j’ai appris cela des Delawares par manière d’avis et de tradition, quoique je n’aie pas encore marché sur le sentier de la guerre. D’ailleurs, on peut à peine dire que la saison de la venaison soit commencée, et nous ne manquons pas de nourriture pour le présent. On m’appelle Tueur de Daims, et peut-être mérité-je ce nom, tant par la connaissance que j’ai des habitudes de ces créatures que parce que j’ai le coup d’œil sûr ; mais on ne peut me reprocher d’en tuer un seul quand ni sa chair ni sa peau ne peuvent m’être utiles. Je puis être un tueur, d’accord ; mais je ne suis pas un massacreur.

— Comment ai-je pu manquer ce daim ? s’écria Hurry en passant ses doigts à travers sa belle chevelure, comme s’il eût voulu démêler en même temps ses cheveux et ses idées ; je n’ai pas fait une telle maladresse depuis que j’ai atteint l’âge de quinze ans.

— Ne le regrettez pas : la mort de cette créature ne pouvait nous faire aucun bien ; mais, en voulant le tuer, vous pouviez nous faire beaucoup de mal. Le bruit qu’ont fait ces échos est quelque chose de plus important qu’un coup de fusil manqué. C’est comme la voix de la nature qui réclame contre une tentative inconsidérée de dévastation.

— Si vous restez longtemps dans ces environs, vous entendrez un grand nombre de réclamations semblables, répondit Hurry en riant. Les échos répètent presque tout ce qui se dit ou se fait sur le Glimmerglass, pendant ce temps calme de l’été. Si vous laissez tomber une rame dans une pirogue, ce léger bruit se répète comme si les montagnes se moquaient de votre gaucherie ; et si vous riez, si vous sifflez, vous croiriez que ces pins en font autant, quand ils sont en humeur de parler, de manière à vous faire penser qu’ils peuvent réellement converser avec vous.

— C’est une raison de plus pour être prudent et silencieux. Je ne crois pas que les ennemis aient encore pénétré dans ces montagnes, car je ne vois pas ce qu’ils auraient à y gagner ; mais tous les Delawares disent que, si le courage est la première vertu, la prudence est la seconde. Le bruit des échos de ces montagnes suffit pour apprendre à toute une tribu le secret de notre arrivée.

— S’ils ne nous font pas d’autre bien, ils avertiront du moins le vieux Tom de mettre le pot au feu, en lui annonçant qu’il lui arrive