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DEERSLAYER
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conde montagne ; s’étant hâté de gagner le sommet, il regarda tout autour de lui pour voir s’il découvrirait quelque abri où il pût se cacher. Rien de semblable ne s’offrit à ses yeux, mais il aperçut un gros arbre tombé à quelques pas de lui, et les situations désespérées exigent des remèdes analogues. Cet arbre était couché en ligne parallèle à la vallée, près du sommet de la montagne : sauter sur cet arbre et se placer en long presque sous son tronc énorme ne fut l’affaire que d’un instant ; mais auparavant il se montra debout sur le haut de la montagne et poussa un cri de joie, comme s’il eût triomphé en voyant la descente qui s’offrait à lui. Le moment d’après, il était étendu sous l’arbre.

Après avoir adopté cet expédient, il sentit aux pulsations de toutes ses artères quelle était la violence des efforts qu’il avait faits. Il pouvait entendre son cœur battre, et sa respiration ressemblait à l’action d’un soufflet en mouvement rapide. Peu à peu cependant il respira plus librement, et son cœur cessa de battre comme s’il eût voulu sortir de sa poitrine. Bientôt il entendit les pas des Hurons qui gravissaient l’autre côté de la montagne, et leurs voix ne tardèrent pas à annoncer leur arrivée. Les premiers qui atteignirent le sommet de la hauteur poussèrent un cri de joie. Craignant ensuite que le fugitif ne leur échappât à la faveur de la descente, ils sautèrent par-dessus l’arbre tombé, et entrèrent dans le ravin, espérant apercevoir leur prisonnier avant qu’il fût arrivé dans la vallée. D’autres arrivèrent bientôt, en firent autant, et Deerslayer commença à espérer qu’ils étaient tous passés. Il survint pourtant encore quelques traîneurs, et il en compta jusqu’à quarante, car il les comptait pour s’assurer à peu près combien il pouvait en rester en arrière. Ils ne tardèrent pas à arriver dans la vallée, à plus de cent pieds au-dessous de lui, et quelques-uns avaient même commencé à gravir la seconde montagne, quand ils s’arrêtèrent et eurent l’air de se consulter ensemble pour savoir de quel côté le fugitif pouvait avoir dirigé sa course. C’était un moment critique, et un homme dont les nerfs eussent été moins fermes, et qui aurait été moins maître de ses premiers mouvements, se serait levé pour s’enfuir. Deerslayer n’en fit rien : il resta immobile à sa place, surveillant tous les mouvements des Hurons et achevant de reprendre haleine.

Les Hurons ressemblaient alors à une meute de chiens en défaut. Ils parlaient peu ; mais ils coururent çà et là, examinant les feuilles mortes qui couvraient la terre, comme un chien cherche à retrouver la piste qu’il a perdue. Le grand nombre des moccasins qui y