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OU LE TUEUR DE DAIMS.

une longue ligne du nord au sud. Ce fut de ce côté que Deerslayer dirigea sa course rapide ; et comme les sentinelles étaient un peu au-delà de l’endroit où commençaient les buissons, le fugitif avait gagné le couvert avant que l’alarme leur fût communiquée. Il était impossible de courir au milieu d’épaisses broussailles, et pendant trente à quarante toises il marcha dans l’eau sur le bord du lac, où il n’en avait que jusqu’aux genoux ; mais c’était un obstacle qui nuisait à la vitesse de ceux qui le poursuivaient aussi bien qu’à la sienne. Dès qu’il trouva un endroit favorable, il traversa la ligne des buissons et entra dans le bois.

Plusieurs coups de fusil furent tirés sur lui pendant qu’il marchait dans l’eau, et surtout quand il fut entré dans la forêt ; mais la direction de la ligne de sa fuite, qui croisait celle du feu, la confusion générale qui régnait parmi les Hurons, et la précipitation avec laquelle ils tiraient, sans se donner le temps de l’ajuster, firent qu’il ne reçut aucune blessure. Les balles sifflaient à ses oreilles, elles cassaient des branches à ses côtés, mais pas une ne toucha même ses vêtements. Le délai causé par ces tentatives infructueuses fut très-utile au fugitif, qui avait une avance de plus de cinquante toises sur ceux des Hurons qui le suivaient de plus près, avant qu’on eût pu mettre de l’ordre et du concert dans la poursuite. Le poids de leurs mousquets retardait leur course, et après les avoir déchargés dans un espoir vague de le blesser, ils les jetèrent par terre, en criant aux femmes et aux enfants de les ramasser et de les recharger le plus tôt possible.

Deerslayer connaissait trop bien la nature désespérée du parti qu’il avait pris pour perdre un seul de ces instants précieux ; il savait aussi que son seul espoir était de suivre une ligne droite ; car, s’il tournait d’un côté ou de l’autre, le nombre de ses ennemis ferait qu’il serait bientôt devancé. Il prit donc une route diagonale pour gravir la montagne, qui n’était ni très-haute, ni très-escarpée, quoique la montée fût assez difficile pour la rendre pénible à un homme dont la vie dépendait de ses efforts. Là, il ralentit sa course pour reprendre haleine, et se contenta de marcher à grands pas dans les parties qui lui offraient plus de difficultés à surmonter. Les Hurons le suivaient en hurlant de fureur ; mais il n’y fit aucune attention ; sachant qu’ils avaient à vaincre les mêmes obstacles qui l’avaient retardé, avant de pouvoir arriver à la hauteur qu’il venait d’atteindre. Il était alors près du sommet de la montagne, et il vit, d’après la conformation du terrain, qu’il fallait qu’il descendît dans une vallée profonde avant d’arriver à la base d’une se-