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OU LE TUEUR DE DAIMS.

le regarder, ne lui permettaient pas d’espérer qu’un tel expédient lui réussît. La crainte et la honte d’échouer dans quelque tentative de ce genre n’avaient aucune influence sur lui, car il se faisait toujours un point d’honneur de raisonner et de sentir en homme blanc plutôt qu’en Indien, et il regardait comme un devoir de faire tout ce qui lui serait possible pour sauver sa vie, pourvu que ce fût sans agir contre ses principes. Il hésitait pourtant à faire cette tentative, car il pensait aussi qu’il devait voir une chance de succès avant de rien entreprendre.

Pendant ce temps, l’affaire se discutait dans le conseil des chefs avec régularité. Ils s’étaient retirés à l’écart, et personne n’était admis parmi eux que le Sumac, car la veuve du guerrier tué avait le droit exclusif d’être entendue dans une pareille occasion. Les jeunes guerriers se promenaient d’un air d’indifférence indolente, et attendaient avec toute la patience des Indiens la fin des délibérations de leurs chefs, et les femmes préparaient le repas qui devait terminer la journée, quel que fût le destin de Deerslayer. Personne ne montrait la moindre émotion ; cependant deux ou trois vieilles femmes qui causaient ensemble indiquaient, par les regards sinistres qu’elles lançaient sur le prisonnier et par leurs gestes menaçants, qu’elles ne lui étaient pas favorables, tandis qu’un groupe de jeunes filles jetaient sur lui à la dérobée des coups d’œil qui exprimaient la pitié et le regret. À l’exception de l’extrême vigilance des sentinelles, un observateur indifférent n’aurait aperçu dans le camp aucun mouvement, aucune sensation qui annonçât qu’il s’y passait quelque chose d’extraordinaire. Cet état de choses dura environ une heure.

L’incertitude est peut-être le sentiment le plus difficile à supporter. Quand Deerslayer était arrivé, il s’attendait à subir au bout de quelques minutes toutes les tortures que la soif de la vengeance pourrait suggérer aux Hurons, et il s’était préparé à les souffrir avec courage ; mais le délai lui parut plus cruel que les souffrances, et il commençait à songer à faire quelque effort désespéré pour s’échapper, — peut-être pour accélérer la fin de cette scène, — quand on l’avertit tout à coup de revenir devant ses juges, qui étaient prêts à le recevoir, toute la troupe rangée autour d’eux, comme à son arrivée.

— Tueur de Daims, dit Rivenoak dès que le prisonnier fut devant lui, les chefs ont écouté des paroles sages, et ils sont prêts à parler. Vous êtes un homme dont les pères sont venus du côté du soleil levant ; nous, nous sommes les enfants du soleil couchant. Nous