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DEERSLAYER

Deerslayer ; mais c’était une voix solitaire, comme celle du roitelet dont la compagne a péri sous les serres du faucon.

— Je remercie cette voix, à qui que ce soit qu’elle appartienne, Mingo, et je dirai que c’était une voix aussi véridique que les autres étaient menteuses. Un congé est un lien aussi solide pour un blanc, s’il est honnête, que pour une Peau-Rouge ; et quand cela ne serait pas, je ne voudrais jamais déshonorer les Delawares, parmi lesquels on peut dire que j’ai reçu mon éducation. Mais les paroles ne servent à rien et ne conduisent qu’à des fanfaronnades. Me voici ; faites de moi ce qu’il vous plaira.

Rivenoak fit un signe d’acquiescement, et eut une courte conférence avec les chefs. Dès qu’elle fut terminée, quelques jeunes guerriers sortirent des rangs des hommes armés et disparurent. Il fut ensuite signifié au prisonnier qu’il avait la liberté de se promener où il le voudrait sur la pointe, pendant que le conseil délibérerait sur son sort. Cette marque de confiance était plus apparente que réelle, car les jeunes guerriers dont il vient d’être parlé formaient déjà une ligne de sentinelles à l’endroit où la pointe se réunissait à la terre, et le prisonnier ne pouvait s’échapper d’aucun autre côté. On avait même reculé la pirogue sur laquelle il était arrivé au-delà de la ligne des sentinelles, et on l’avait placée dans un endroit où elle semblait à l’abri de toute tentative pour s’en emparer. Ces précautions ne venaient pas précisément d’un manque de confiance ; mais on savait que le prisonnier avait tenu sa parole, il n’avait rien promis de plus, et s’il avait réussi à s’échapper, les Hurons eux-mêmes auraient regardé cet exploit comme honorable pour lui. Les distinctions faites par les sauvages dans des cas semblables sont si délicates, qu’ils laissent quelquefois à leurs victimes une chance pour se soustraire à la torture, pensant qu’il est aussi glorieux pour eux de reprendre un prisonnier dans le moment où il fait pour se sauver des efforts proportionnés au danger de sa situation, qu’il le serait pour lui de déjouer leur vigilance.

Deerslayer n’ignorait pas ses droits, et il se promettait de ne négliger aucune occasion d’en user ; mais le cas lui paraissait désespéré ; il savait qu’une ligne de sentinelles avait été établie, et il lui paraissait impossible de la forcer. Il n’aurait pas trouvé très-difficile de gagner le château à la nage ; mais à l’aide de la pirogue, les sauvages l’auraient atteint avant qu’il y fût arrivé. En se promenant sur la pointe, il examina les lieux avec grand soin, pour voir s’ils n’offraient aucun moyen de se cacher ; mais il ne put en trouver, et d’ailleurs tous les yeux fixés sur lui, quoique en affectant de ne pas