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DEERSLAYER

les doctrines, celle qui trouble et déconcerte le plus mon esprit est celle qui nous apprend à croire qu’il y aura un paradis pour les Faces-Pâles, et un autre pour les Peaux-Rouges : cela peut séparer, après leur mort, ceux qui ont vécu amicalement ensemble pendant toute leur vie.

— Les missionnaires apprennent-ils à leurs frères blancs à penser ainsi ? demanda l’Indien d’un ton sérieux et empressé. — Les Delawares croient que les hommes de bien et les guerriers intrépides chasseront ensemble dans les mêmes bois, de quelque tribu qu’ils soient, et que les méchants et les lâches iront de compagnie avec les loups et les chiens chercher de la venaison pour leurs wigwams.

— Il est étonnant combien les hommes ont d’idées différentes sur le bonheur et le malheur qui les attendent après leur mort ! s’écria Deerslayer emporté par l’énergie de ses pensées. Les uns croient au feu et aux flammes ; les autres se figurent que la punition d’une mauvaise vie sera de manger avec les chiens et les loups : ceux-ci s’imaginent que le ciel est un séjour où ils peuvent satisfaire toutes leurs passions terrestres, et ceux-là le regardent comme un palais construit en or et pavé de pierres précieuses. Eh bien ! j’ai aussi mes idées sur ce sujet, Serpent, et les voici : — Toutes les fois qu’il m’est arrivé de me fourvoyer, j’ai toujours reconnu que c’était par suite de quelque aveuglement d’esprit qui ne me permettait pas de voir ce qui aurait été mieux ; et quand cet aveuglement se dissipait, alors venaient le chagrin et le repentir. Or, je pense qu’après la mort, quand le corps est laissé de côté, ou, si nous le recouvrons, qu’il est purifié de toutes ses imperfections, notre esprit voit chaque chose sous son jour véritable, et ne peut jamais s’aveugler sur la vérité et la justice. Les choses étant ainsi, tout ce qu’on a fait dans la vie se voit alors aussi clairement que le soleil en plein midi ; celui qui a fait le bien est donc dans la joie, et celui qui a fait le mal dans le chagrin. Il n’y a rien de déraisonnable dans cette opinion, et elle est conforme à l’expérience de chacun.

— Je me figurais que les blancs croyaient que tous les hommes étaient pervers. Qui peut donc jamais arriver au ciel des Faces-Pâles ?

— Cela est ingénieux ; mais ce n’est pas ce que les missionnaires enseignent. Vous serez christianisé quelque jour, Serpent, et alors tout cela vous paraîtra assez clair. Il faut que vous sachiez qu’un grand acte a eu lieu en réparation de nos iniquités, ce qui, à l’aide