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DEERSLAYER

quelques-unes de temps en temps ; mais, quoi qu’il en soit, j’aimerais mieux vous voir sourire que pleurer, Judith.

Ce propos galant fut récompensé par un sourire doux, quoique mélancolique, et elle pria de nouveau son compagnon de finir l’examen de la caisse. Cette recherche dura nécessairement encore quelque temps, pendant lequel Judith recueillit ses pensées et reprit son calme. Elle ne prit d’autre part à cet examen que de jeter de temps en temps un coup d’œil distrait sur les divers objets que le jeune chasseur tirait de la caisse. Il ne s’y trouva plus rien qui eût une grande valeur ou qui pût inspirer de l’intérêt. Deux assez belles épées, une paire de boucles d’argent, et quelques parures et vêtements à usage de femme, furent les principaux articles qui méritaient quelque attention. Judith pensa pourtant que ces effets pouvaient être utiles pour effectuer une négociation avec les Indiens ; mais Deerslayer y vit une difficulté que celle-ci n’avait pas prévue. Ce fut sur ce sujet que roula alors leur conversation.

— Maintenant, Deerslayer, dit Judith, nous pouvons parler de vous et des moyens de vous tirer des mains des Iroquois. Hetty et moi nous leur donnerons bien volontiers une partie ou la totalité de ce qui se trouve dans cette caisse pour racheter votre liberté.

— Cela est généreux, Judith ; — oui, c’est une générosité cordiale. C’est la manière des femmes ; quand elles se prennent d’amitié pour quelqu’un, elles n’y vont pas à demi, et elles sont disposées à lui sacrifier tout ce qu’elles possèdent comme étant sans valeur à leurs yeux. Je vous en remercie l’une et l’autre comme si c’était un marché fait, et que Rivenoak ou quelque autre de ces vagabonds fût ici pour conclure le traité. Mais il y a deux principales raisons qui empêchent qu’il ne puisse jamais avoir lieu, et autant vaut que je les dise tout d’un coup, pour que vous ne vous livriez pas à une attente inutile et que je ne conçoive pas des espérances qui seraient désappointées.

— Quelles peuvent être ces raisons, Deerslayer, si Hetty et moi nous sommes disposées à donner ces babioles en échange de votre liberté, et que les sauvages consentent à les recevoir ?

— C’est cela, Judith ; l’idée est bonne, mais elle est un peu hors de place : c’est comme si un chien voulait suivre sa piste à rebours. Que les Mingos soient disposés à prendre tout ce qui se trouve dans cette caisse, et tout ce que vous pourriez avoir encore à leur offrir, c’est ce qui est probable ; mais qu’ils veuillent en payer la valeur, c’est une autre affaire. Que diriez-vous, Judith, si quelqu’un vous envoyait dire que pour tel ou tel prix il vous donnerait cette caisse