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OU LE TUEUR DE DAIMS.

noncé avec chaleur, et d’un ton qui ne permettait pas de douter du sens qu’y attachait le jeune chasseur. Si Judith l’eût encouragé, il n’aurait pas hésité à rester pour la défendre elle et sa sœur ; mais, dans les circonstances où il se trouvait, le dépit et le ressentiment le portaient à les abandonner. Dans tous les cas, Hurry Harry n’avait pas des sentiments assez chevaleresques pour risquer la sûreté de sa personne sans voir un rapport direct entre les suites possibles de cette démarche et son intérêt personnel. Il n’est donc pas étonnant que sa réponse se soit ressentie de ses intentions, et de la confiance que sa vanité lui inspirait dans sa force et sa taille gigantesque, qui, si elle ne le rendait pas toujours brave, manquait rarement de le rendre impudent à l’égard de ceux avec qui il se trouvait.

— De belles paroles font de longues amitiés, maître Deerslayer, dit-il d’un ton presque menaçant. Vous n’êtes qu’un morveux, et vous savez par expérience ce que vous êtes entre les mains d’un homme. Comme vous n’êtes pas moi, et que vous n’êtes qu’un entremetteur envoyé par des sauvages à des chrétiens, vous pouvez dire à ceux qui vous emploient qu’ils connaissent bien Harry March, ce qui est une preuve de leur bon sens aussi bien que du mien. Il est assez homme pour suivre les conseils de la nature humaine, et c’est elle qui lui dit qu’il serait fou à un homme de vouloir combattre une tribu entière. Si des femmes l’abandonnent, elles ne doivent pas être surprises qu’il les abandonne à son tour, qu’elles soient de sa race ou non. Si Judith change d’avis, elle est la bienvenue ainsi que Hetty à avoir un compagnon pour gagner la rivière ; dans le cas contraire, je pars dès que je croirai que les espions de l’ennemi commencent à se nicher dans les feuilles et les broussailles pour y passer la nuit.

— Judith ne changera point d’avis, et elle ne désire pas votre compagnie, maître March, répondit-elle avec vivacité.

— En ce cas, c’est une affaire décidée, reprit Deerslayer sans se laisser émouvoir par le ton de sarcasme de March. Hurry Harry fera ce qui lui paraîtra convenable, et agira comme il le trouvera à propos. La marche qu’il a dessein d’adopter fera qu’il voyagera tranquillement, sinon avec une conscience tranquille. À présent, c’est à Hist à faire sa réponse. — Qu’en dites-vous, Hist ? Oublierez-vous aussi votre devoir ? Retournerez-vous chez les Mingos ? Prendrez-vous un Huron pour mari ? Et tout cela, non par amour pour l’homme que vous épouserez, mais par crainte pour votre chevelure ?

— Pourquoi vous parler ainsi à Hist ? demanda la jeune fille à