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OU LE TUEUR DE DAIMS.

— Henri March vous aime, ma sœur, répondit Hetty, arrachant sans le savoir quelques brins d’écorce de la pirogue ; — il serait charmé de vous épouser, j’en suis sûre ; et l’on ne trouverait pas sur toute la frontière un jeune homme plus brave et plus robuste.

— Henri March et moi nous nous entendons, et il est inutile de parler de lui davantage. Il y a quelqu’un… Mais n’importe ! tout est entre les mains de la Providence, et nous devons bientôt prendre une détermination sur notre manière de vivre à l’avenir. Rester ici, — c’est-à-dire y rester seules, — c’est ce qui est impossible, et peut-être il ne s’offrira jamais une occasion d’y rester de la manière dont vous parlez. Il est temps aussi que nous apprenions tout ce que nous pourrons sur notre famille et nos parents. Il n’est pas probable que nous n’en ayons aucun, et il est possible qu’ils soient bien aises de nous voir. La vieille caisse nous appartient aujourd’hui, et nous avons le droit d’examiner tout ce qu’elle contient, et d’apprendre par ce moyen tout ce que nous pourrons. Notre mère était si différente de Thomas Hutter, qu’à présent que je sais qu’il n’est pas notre père, je brûle du désir de savoir à qui nous devons le jour. Je suis certaine qu’il se trouve des papiers dans cette caisse, et ces papiers peuvent nous apprendre quelque chose des parents et des amis que la nature nous a donnés.

— Eh bien, Judith, vous savez mieux que moi ce que nous devons faire, car vous avez plus d’intelligence que personne, comme disait toujours ma mère, tandis que moi je n’ai de l’esprit qu’à moitié. À présent que je n’ai plus ni père ni mère, je me soucie fort peu de savoir si j’ai d’autres parents que vous ; et je ne crois pas que je puisse jamais aimer, comme je le devrais, des personnes que je n’ai jamais vues. Mais si vous ne voulez pas épouser Hurry Harry, je ne vois pas trop qui vous pouvez prendre pour mari, et alors je crains, après tout, que nous ne soyons obligées de quitter le lac.

— Que pensez-vous de Deerslayer, Hetty ? demanda Judith en se penchant vers sa sœur, et cherchant à cacher son embarras en prenant l’air d’innocence naïve de Hetty. — Ne vous plairait-il pas pour beau-frère ?

— Deerslayer ! répéta Hetty enlevant les yeux sur sa sœur avec surprise. — À quoi pensez-vous, Judith ? Deerslayer n’a aucune beauté, et il n’est pas digne d’avoir une femme comme vous.

— Il n’est pas laid, Hetty, et la beauté n’est pas une grande affaire dans un homme.